Murielle Cahen, avocate spécialisée dans le droit sur Internet (http://www.murielle-cahen.com/), fait le point avec nous sur la responsabilité des prestataires de liens sponsorisés parrapport à la loi. Laissons-lui la parole...

Le marchĂ© des outils de recherche n’a pas pu rĂ©sister Ă  l’effondrement du "business model" publicitaire. La preuve en est que l’immense majoritĂ© d’entre eux, Ă  la recherche de nouvelles sources de revenus, ont mis en place depuis plus d'un an de nouvelles offres de rĂ©fĂ©rencement : soumission payante sur les annuaires, rĂ©fĂ©rencement payant sur les moteurs, positionnement publicitaire sur les deux. En adoptant ce systĂšme, les engins de recherche ont passĂ© d’une logique objective – pour les moteurs de recherche - ou Ă©ditoriale – pour les annuaires - Ă  une technique purement commerciale, celle de la vente des mots-clĂ©s ou de services associĂ©s.

La mĂ©thode du positionnement publicitaire consiste, en effet, Ă  offrir, moyennant finance, au site rĂ©fĂ©rencĂ© une position en tĂȘte des rĂ©sultats d’une recherche sur certains mots-clĂ©s prĂ©dĂ©finis. La rĂ©munĂ©ration se calcule soit par nombre de clic (Pay-Per-Clic), dans le cas du positionnement par enchĂšres, soit par CPM (coĂ»t par milles pages vues), dans le cas du positionnement par achat du lien.

Le “Pay for Placement” et son corollaire, le nouveau marchĂ© de mots-clĂ©s, constituent, sans doute, des techniques de web marketing fort puissantes, qui servent, notamment, des moyens pour accroĂźtre la visibilitĂ© des sites Internet et augmenter leur notoriĂ©tĂ©. Les entreprises, n’ont, naturellement, pas tardĂ© Ă  montrer leur intĂ©rĂȘt. Selon une enquĂȘte, rĂ©alisĂ© par le Journal du Net (1), les deux-tiers des entreprises de plus de 500 personnes sont dĂ©jĂ  au courant des nouvelles formules de rĂ©fĂ©rencement promotionnel, proposĂ©es par les outils de recherche majeurs (Overture, Espotting ou Google) et plus de la moitiĂ© envisagent de faire leurs premiers pas sur ce support.

Face au succĂšs que la technique du rĂ©fĂ©rencement promotionnel est censĂ©e avoir auprĂšs des principaux acteurs de la Net Ă©conomie, il convient d’examiner son niveau de conformitĂ© aux rĂšgles de droit existantes.

Trois séries de questions se posent à cet égard :

- Tout d’abord, l’éventuelle appropriation des mots-clĂ©s par les sites les plus riches et l’exclusion, sur certains engins de recherche, des sites moins dĂ©pensiers, ne constituent-elles une entorse Ă  la libre concurrence ?

- DeuxiÚmement, la vente des mots clés par les moteurs de recherche est-elle une publicité clandestine ?

- Enfin, comment peut-on protéger les titulaires des marques victimes de la pratique de "position squatting" ?

Le positionnement publicitaire face aux rĂšgles du droit de la concurrence.

Selon l’article 86 du TraitĂ© CE "Est incompatible avec le marchĂ© commun et interdit, dans la mesure oĂč le commerce entre États membres est susceptible d'en ĂȘtre affectĂ©, le fait pour une ou plusieurs entreprises d'exploiter de façon abusive une position dominante sur le marchĂ© commun ou dans une partie substantielle de celui-ci".

Le rĂ©fĂ©rencement payant et la vente des mots-clĂ©s est susceptible d’aboutir Ă  des situations anti-concurrentielles, dans la mesure oĂč l’appropriation des mots-clĂ©s par certaines entreprises peut empĂȘcher les acteurs du mĂȘme secteur d’ĂȘtre visibles sur le Net. Le  dernier chapitre du rapport de l’OMPI (2), relatif Ă  la "gestion des noms et adresses de l’Internet : Questions de propriĂ©tĂ© intellectuelle", Ă©voque ce mĂȘme problĂšme :

Fichier PDF téléchargeable ici (la lettre Réacteur n'était à cette époque-là disponible que sous cette forme).