Après des années de disette en termes de projets européens autour de la recherche d'information, les mois qui viennent de s'écouler ont vu l'annonce de trois programmes nommés Quaero, Theseus et Pharos. Nous tentons, dans cet article, de comprendre leurs principales caractéristiques et d'évaluer leurs chances de succès pour l'avenir face aux géants du secteur...
Les projets européens dans le cadre de la recherche d'information sur le Web ont dernièrement fleuri après une longue période de disette. Successivement, les projets Quaero, Theseus et Pharos ont été annoncés dans les mois qui viennent de sécouler. Qu'en est-il de ces différents programmes ? Quelles sont leurs caractéristiques essentielles ? C'est ce que nous avons voulu savoir...
Quaero : indexation et traitement de contenus numériques multimedia
Quaero (qui signifie "je recherche" en latin) est un programme de recherche financé par l'Agence de l'Innovation Industrielle (AII). Cette agence a pour mission de soutenir de grands programmes industriels de moyen terme nécessitant un important effort de R&D et dont le coût dépasse la capacité des autres dispositifs de financement public.
Ce programme dirigé par Thomson compte de nombreux partenaires, dont le moteur de recherche Français Exalead. Quaero s'est voulu un programme Franco-Allemand. Les partenaires du programme Quaero étaient ainsi au nombre de vingt-cinq... avant le retrait officiel de l'allemagne en décembre 2006.
Lancé au printemps 2006, le but du programme Quaero est de fédérer des actions de recherche venant aussi bien du secteur public que du secteur privé, afin de concourir efficacement à la création d'un système de traitement automatique des contenus numériques multimédias. Ce système, qui s'apparente plus en réalité à un environnement qu'à un système proprement dit, permettra la production d'interfaces, portails et services pour la recherche d'information et la télévision interactive. La recherche s'est donnée cinq ans pour y arriver, ce qui nous amène en 2011 pour un programme qui a démarré en 2006.
Il s'agit certainement d'un délai à la hauteur de l'ambition affichée, surtout lorsqu'il s'agit de faire travailler de façon coordonnée un certain nombre (voire un nombre certain) d'acteurs. Mais une question pregnante demeure cependant... En créant le programme Quaero, la France, par la voix de son Président, a souhaité de façon plus ou moins ouverte rattraper, voire concurrencer Google. Mais où en sera le géant de la recherche d'information dans cinq ans ? Certains acteurs du projet dénonce cependant ce déficit de communication, estimant que Quaero n'a pas été conçu comme un concurrent de Google mais comme un ensemble de programmes de recherche destiné à réaliser des "briques" susceptibles d'être utilisées in fine par les acteurs du monde industriel. Il est en tout cas certain que la communication autour du projet Quaero a été, c'est le moins que l'on puisse dire, plutôt floue à ce sujet...
Les raisons du retrait de l'Allemagne
La volonté affichée de Jacques Chirac était de créer un moteur d'indexation de contenus multimedia. Mais la position du gouvernement allemand est différente : en effet, à quoi bon réinventer la roue et dépenser de l'argent public pour réaliser avec les fonds du contribuable ce que le secteur privé fait déjà très bien. De plus, Quaero n'était pas réellement franco-allemand... mais plutôt essentiellement Français avec une certaine présence allemande. Le sort en est désormais jeté : Quaero sera un programme franco-français.
Contradictions et déboires au bout du chemin....
Les objectifs de Quaero ont-ils été tenus trop longtemps secrets ? Sur la toile, le projet était vu par les internautes comme un futur Google européen. Or Quaero, comme nous le disions ci-dessus, n'est pas un projet mais un programme. Sur le plan de la recherche d'information, Quaero se résume à un nom : Exalead, si on en juge par les propos de François Bourdoncle dans une interview accordée à Agoravox, le 5 avril 2006 :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=8641
"Exalead fait partie du programme en tant que chef de file d'un projet qui est de faire un moteur de recherche multimedia grand public. Et ce moteur, ne appellera pas Quaero.org ; il s'appelle Exalead.com"... et il a a existé bien avant Quaero !
Donc si Quaero n'est pas un projet de moteur de recherche, qu'est-ce ? C'est en fait une nébuleuse d'entreprises et unités de recherche qui se côtoient au sein d'un vaste programme R&D portant sur la recherche et l'indexation de contenus multimédia.
A la suite du retrait de l'Allemagne, se pose naturellement la question du financement du programme. A ce jour, l'Agence de l'Innovation Industrielle a accepté de prendre en charge 90 M€... sur les 250M€ prévus initialement.
Quaero se voulait Européen : le gouvernement allemand a décidé autrement en décembre 2006, par son retrait pur et simple du projet. On attendait 250 M€ on en a obtenu 90. Bref, Quaero a du plomb dans l'aile et doit de plus faire face à une nouvelle concurrence, car les allemands, non contents de se retirer du jeu, ont décidé de faire cavalier seul. Leur nouveau né s'appelle Theseus.
Theseus: un Quaero Allemand ?
La réponse à cette question est "non". Résolument non, si on s'en tient aux propos de Hartmut Schauerte, secrétaire d'Etat au Ministère Fédéral de l'Economie et de la Technologie. Pour lui, Theseus est un projet national, complémentaire de Quaero et non pas concurrent.
Pour les allemands, Quaero est trop loin de l'idée qu'on peut se faire du web 2.0. L'Allemagne souhaite s'orienter vers une recherche sémantique capable de proposer une désambiguisation contextuelle. Cependant si on y regarde d'un peu plus près, la donne semble bien plus complexe que cela. En effet, si on considère que la brique de recherche d'information de Quaero est Exalead, quid de la recherche contextuelle et de la catégorisation sémantique que propose déjà le moteur français ? S'agit-il vraiment d'éviter d'investir des fonds publics pour ne pas réinventer la roue, ou bien y a-t-il des raisons plus profondes ? Le retrait de l'Allemagne de Quaero est récent et on ne sait encore que très peu de choses à ce propos...
Fichier PDF téléchargeable ici (la lettre Réacteur n'était à cette époque-là disponible que sous cette forme).