La Cour Suprême européenne remet en cause les liens hypertexte

La situation juridique des liens hypertextes, piliers du Web, a évolué au fil du temps et de la jurisprudence dans plusieurs pays. Une décision de la Cour de Justice de l’Union européenne vient de nous le rappeler. Dorénavant, les professionnels devront certinement faire un peu plus attention aux liens qu’ils créent et aux sites vers lesquels ces liens pointent.

Par Alexandre Diehl


De nombreux articles sont parus en septembre et octobre 2016 pour s’inquiéter d’une très récente décision de la Cour de Justice de l’Union européenne, cour suprême de notre pays, qui a apporté un nouvel élément d’interprétation sur les liens hypertexte. Malheureusement, il semblerait que la plupart des journalistes se soient focalisés sur la décision finale. En effet, aux termes de son arrêt du 8 septembre 2016, la CJUE a condamné l’éditeur d’un site (et non pas l’hébergeur) qui avait fourni des liens profonds (deep linking) vers des photos de Playboy qui étaient déjà (illicitement) disponibles sur Internet. Or, l’étude approfondie de cet arrêt très technique juridiquement permettra de rassurer la très grande partie des internautes, éditeurs et hébergeurs : il est toujours possible de mettre en place des liens dans des conditions normales.

Le lien hypertexte

Rappelons que la Cour d’appel de Paris a précisé, il y a maintenant 15 ans, qu’un lien hypertexte est « un simple mécanisme permettant à l’utilisateur en cliquant sur un mot ou sur un bouton de passer d’un site à un autre » (CA Paris, 19 septembre 2001, SA NRJ et Monsieur J.B. c/ Sté Europe 2 Communication).

Les hyperliens peuvent se décliner en trois catégories différentes :

  • le lien hypertexte simple (surface linking): il relie le document d’origine à la page d’accueil d’un autre site web ;
  • le lien hypertexte en profondeur (deep linking): ce lien conduit l’utilisateur vers une page secondaire (interne) d’un autre site web distincte de la page d’accueil ;
  • l’insertion par liens hypertextes (inline linking): il s’agit notamment par ce procédé de faire apparaître dans une page web un seul élément (par exemple une photo) extrait d’un autre site, ce qui économise de l’espace de stockage sur le disque dur de la machine où est hébergé le site et qui a pour effet de dissimuler à un utilisateur non averti l’environnement d’origine auquel appartient cet élément.

La création d’hyperliens sans autorisation du producteur du site « pointé » peut poser des problèmes juridiques. Si ces pratiques sont rarement contrevenantes à la propriété intellectuelle, elles peuvent constituer une faute civile sur le terrain de la concurrence déloyale ou des agissements parasitaires.

Un lien hypertexte peut bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, au même titre que le contenu vers lequel il pointe. Signalons ainsi la sanction de la publication d’une œuvre « savante et documentée » dans une parution gratuite au milieu de nombreux encarts publicitaires (CA Caen, 1re ch., 6 mai 1997)

Toutefois, la contrefaçon de liens hypertexte apparaît peu probable dans la mesure où les idées sont de libre parcours. En outre, la liberté de créer des liens hypertexte est la base même d’Internet. En effet les liens hypertexte sont tout au plus des liens, des cheminements permettant de passer d’une page à une autre. En cela, ces liens ne répondent aucunement à l’exigence d’originalité.

L’état du régime juridique des liens aujourd’hui

L’hyperlien est et reste partie intégrante de la dynamique d’Internet. Ainsi, la jurisprudence a pu affirmer à plusieurs reprises la « liberté d’établir un lien (…) inhérente au principe de fonctionnement de l’internet » (TGI Paris, 12 mai 2003). En d’autres termes, malgré tous les arrêts, il continue d’exister un principe fondamental de licéité des liens et ce, de manière indiscutable.

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Alexandre Diehl
Avocat à la cour, cabinet Lawint (http://www.lawint.com/)

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