Souvent chronophages à mettre en œuvre, les campagnes de référencement naturel peuvent coûter cher et ne pas toujours être efficientes. De leur côté, les clients des agences se voient proposer des actions parfois peu adaptées à leurs demandes, leurs objectifs. N'est-il pas nécessaire aujourd'hui de réfléchir à une adaptation de nos tâches SEO pour mieux gérer le temps passé sur un dossier et, donc, facturé au client final ? Voici quelques pistes de réflexion qui pourraient permettre de faire évoluer nos métiers dans les années qui viennent.
En 4 ans, j’ai découvert, expérimenté et analysé en accéléré quasiment toutes les facettes du marché du SEO, à travers les 3 sociétés que j’ai fondées à 2 ans d’intervalle :
• Linkeyword, agence SEO rachetée 2 ans plus tard par Influactive ;
• Optimiz.me, centre de formation SEO (et ex-logiciel pour les débutants en référencement) ;
• Mazen, logiciel SEO pour le moment distribué uniquement sur le marché US.
Ces entités ont vendu des prestations SEO à de très grandes entreprises via Linkeyword et à des TPE via Optimiz.me. Nos équipes ont formé des e-commerçants, des chefs d’entreprise, des référenceurs professionnels et des salariés de grands groupes. Aux Etats-Unis, nous vendons des licences de logiciel à des agences de toute taille.
Notre constat est le suivant : les agences SEO éprouvent toutes les peines du monde à conserver leurs clients.
Le SEO continue en effet de draîner, année après année, une image de science obscure, plaçant les entreprises en situation d’insécurité au moment de choisir leur prestataire. Un phénomène de turn-over permanent s’est emparé du marché du SEO, avec une très grande difficulté éprouvée par les agences pour garder un client plus de 2 ans.
D’un côté, les clients ne comprennent pas les devis élevés qu’ils reçoivent pour la prise en charge de leur référencement, de l’autre, les agences doivent rogner sur leurs marges et ne parviennent que difficilement à faire re-signer les clients existants.
La principale raison de cette incompréhension réside dans la difficulté que le marché du SEO éprouve à réduire le temps consacré à chaque client. Depuis les mises à jour Penguin/Panda, la qualité éditoriale requise pour obtenir des résultats est devenue telle qu’il n’est plus possible de vendre au client du temps d’optimisation de contenus déjà existants. Ce genre de prestation, seule, ne produit plus aucun résultat.
Si, dans le domaine de la création de sites web, les méthodes de production et de conception ont évolué au point de rendre possible la production d’un site en moins d’une semaine, cette taylorisation de la production est donc beaucoup plus difficile à mettre en œuvre au niveau du SEO. Le référencement demeure, encore en 2017, une compétence plus artisanale qu’industrielle, nécessitant de nombreuses tâches différentes, et des compétences de plus en plus variées.
Pourquoi les tâches du SEO sont-elles si chronophages ?
Tout simplement parce qu’elles sont trop nombreuses. De la technique pure à la rédaction, de l’étude de personas au linkbaiting, elles nécessitent des compétences très diverses et des temps de préparation importants. Si bien que la solution la plus évidente serait de ne pas tout faire, et de choisir les tâches les plus essentielles avant les tâches les plus basiques.
Un autre aspect est impactant : les profils de formation et d’expérience des référenceurs d’une part, et l’organisation du travail dans les agences SEO. Bien souvent un référenceur en agence travaille tout seul sur son projet et doit même gérer en plus du SEO des campagnes SEA pour plusieurs dizaines de clients ! Certaines agences SEO sont une ferme de référenceurs et non pas une équipe au profils variés qui se coordonnent pour fournir une prestation adaptée au budget et besoins du client.
Soyons plus sélectifs : toutes les tâches du SEO n’apportent pas la même valeur au client
La première cause des surcoûts du SEO est probablement la volonté de trop d’agences d’appliquer le même traitement à chaque client. Même si, à première vue, avoir une procédure unique peut sembler un gain de temps, en SEO cette habitude peut mener à la réalisation de 50% de tâches inutiles pour un client donné. Ces processus sont même structurants dans le développement de profils de jeunes référenceurs. Très peu d’écoles privées et d’universités proposent des formations solides en référencement naturel, beaucoup de jeunes référenceurs, chefs de projets SEO sont formés sur le tas, c’est-à-dire en agence et prennent la méthodologie interne comme un modèle… Une part de ces jeunes référenceurs s’installent à leur tour en indépendant ou se lancent dans la création d’entreprise et reproduisent le modèle qu’ils ont connu même s’il est loin d’être parfait… Ces modes de fonctionnement ne permettent pas de s’intégrer dans des gestions de projets agiles et mettent souvent les référenceurs en porte-à-faux sur des projets à plusieurs acteurs.
Limitons les audits de mots-clés et les audits concurrentiels lorsqu’ils existent déjà
Pour des raisons diverses, la plupart des agences tiennent absolument à réaliser un audit technique et concurrentiel en début de prestation. Or, bien souvent, le client en est à sa deuxième, troisième, voire cinquième agence SEO successive. Quelle plus-value le client va-t-il gagner à connaître la liste exacte de ses concurrents SEO ou à identifier 10 mots-clés supplémentaires par rapport à sa liste préexistante ? La réponse se trouve dans la question.
Pour optimiser le temps consacré à cette phase, la préconisation serait de toujours demander au client l’ensemble des documents produits par les agences précédentes, et de partir de là pour bâtir la stratégie. Quant aux audits concurrentiels, il est rare qu’ils aient un impact décisif, si ce n’est de susciter une focalisation excessive du client sur les positions des concurrents, et d’entrer dans un schéma de pure comparaison au lieu de se focaliser sur sa propre stratégie.
Ne proposons pas systématiquement d’audit technique complet
Quel référenceur pourrait aujourd’hui soutenir que le fait de réparer des pages 404, de désindexer des pages vides, ou de dé-dupliquer des balises title, aura un impact décisif sur un site web de moins de 300 pages ?
Or, ce genre de dossier représente une part conséquente des clients se présentant en agence. Pour ce type de site, l’audit ne pourrait-il pas se limiter à une simple vérification des backlinks du domaine, pour s’assurer qu’ils pointent sur une page toujours existante, puis de se concentrer sur la mise en place d’une structure de linking interne pertinente ?
Dans la plupart des cas, sur les sites web classiques, le travail fondamental de conception d’un contenu par mot-clé principal, d’augmentation de la pertinence sémantique de la page, et de création de contenus attractifs aux backlinks et de linking interne n’est pas commencé, ou pas optimal.
Pour ce type de dossier, il serait préférable de former le client pour qu’il comprenne l’organisation des pages en silo, puis de se concentrer sur la production de contenus qualitatifs. Ces contenus devraient normalement représentant la majeure partie du devis, afin d’éviter que ce travail essentiel ne se résume à une commande groupée à Madagascar.
Arrêtons avec les documents power point ou PDF sans fin que le client ne lit pas (ou peu)
Livrer de jolis documents, colorés, chaleureux et complets, est une bonne façon de satisfaire le client à court terme. De « faire de la réassurance ». Notre conviction, pour l’avoir fait à de nombreuses reprises, est néanmoins que cette pratique s’avère contre-productive à long terme. Il ne faut jamais sous-estimer le temps que l’on consacre à la mise en page, et à l’agrégation des données nécessaires pour « faire du papier ». Néanmoins, chaque minute passée à réaliser ces documents Powerpoint est une minute en moins consacrée à apporter de la valeur au site du client.
Les pistes pour sortir de cette addiction au papier sont les suivantes :
- Avertir le client, lui expliquer qu’on ne lui rédigera pas de beaux documents récapitulatifs, afin de consacrer le temps vendu à de véritables actions ;
- Utiliser un logiciel SAAS pour suivre les taches effectuées par les consultants de l’agence, et donner un accès au client en lecture pour qu’il visualise le travail réalisé ;
- Privilégier des appels efficaces de 15- 30 minutes, une fois par mois, qui permettent de maintenir un contact humain et de montrer l’investissement de l’agence dans le projet du client ;
- Former le client à l’utilisation d’un logiciel analytique et d’un logiciel de suivi de positionnement, afin qu’il soit autonome sur ces outils de base et puisse suivre ses KPI. Ne pas chercher à cacher les outils du référenceur est essentiel : le client n’aura pas le temps de faire tout le travail, mais n’aura pas non plus l’argent pour l’externaliser à 100%. Partagez donc les tâches avec lui en fonction de son niveau de maturité, afin de devenir son partenaire, d’avantage que son prestataire.
Moins de stratégie, plus d’action
Longtemps, les travaux webmarketing et informatique de façon générale ont été conçus comme des mécanismes à 2 étapes : l’étape de réflexion/planification, puis l’étape de réalisation. Depuis 10 ans maintenant, sous l’influence des mouvements agiles, du lean start’up, mais surtout de la pratique, il est devenu évident que jamais aucun projet n’a pu être réellement mené à bien en respectant cette dichotomie. La notion de cahier des charges a presque été reléguée au rang d’archive historique, et a laissé la place à celle de MVP (Minimum Viable Product), et de growth hacking. Au-delà des mots, que l’on peut aimer ou détester, l’idée selon laquelle on devrait définir noir sur blanc une stratégie avant de commencer à agir n’est clairement pas productive pour la plupart des clients. Plutôt que de facturer de la stratégie digitale, nous pourrions proposer de petites actions digitales (« quick wins ») pour faire émerger, progressivement une stratégie.
Par exemple, avant de facturer plusieurs milliers d’euros pour étudier le contexte concurrentiel, la personnalité des clients, l’environnement technologique et toutes ces choses que l’on a l’habitude d’allègrement exposer au sein de documents bien rangés dans des classeurs, il est possible de commencer par réaliser quelque petites opérations concrètes sur le site, qui donneront des indications beaucoup plus fiables et précieuses que celles recueillies dans un audit stratégique préalable.
Prenons l'exemple d'un d’un site e-commerce spécialisé dans les bijoux, qui vient toquer à la porte d’une agence.
Plutôt que d’imaginer une stratégie globale, nous pourrions commencer par rédiger 3 articles différents, sur des sujets bien distincts, avec des styles très tranchés, et les diffuser sur Facebook Ads ou Instagram. Ces articles auraient comme objectif de réaliser un premier test sur les centres d’intérêt des clients : étudier le trafic apporté, la conversion qui s’en est suivie, permettra alors d’établir une première liste de contenus à rédiger, en prenant en compte les goûts des clients. On pourrait ensuite enchaîner avec l’amélioration du linking interne, en mettant en avant (en haut de silo) les pages ayant suscité le plus grand niveau d’intérêt, selon l’historique de Google Analytics. L’idée générale est d’envisager une démarche basée sur une série d’itérations, basée sur un mode essai-erreur-correction, plutôt que de facturer du temps de stratégie qui, de toutes façons, sera remise en cause par la suite.
L’agence Activis semble vouloir mettre en œuvre cette méthodologie, si l’on en croit ce paragraphe :
Fig. 1. Extrait de la page http://www.activis.net/fr/referencement-naturel-seo.
A l’inverse, l'illustration suivante indique que l'agence semble appliquer une même recette à tous ses clients, facturant donc probablement des taches chronophages peut-être inutiles :
Fig 2: planning identique pour tous les clients : un mauvais signe pour la productivité de la prestation.
Intégrons le SEO dans le cadre plus large du webmarketing pour gagner en efficacité
Si, à une époque, le fait qu’une agence soit spécialisée à 100% dans le SEO, était souvent considéré comme un gage de qualité, l’évolution du moteur de recherche Google tend à rendre cette réalité obsolète. Prenons un exemple concret. Aux Etats-Unis, le logiciel Buzzsumo fait figure de modèle dans l’utilisation de l’ensemble des médias webmarketing pour servir son SEO et sa notoriété de façon générale. Buzzsumo fait régulièrement état de ses réussites en montrant comment un contenu peut se retrouver propulsé par l’utilisation simultanée de plusieurs canaux d’acquisition.
Par exemple, dans un article intitulé « how we got viral », les marqueteurs de buzzsumo expliquent de quelle façon ils ont pu obtenir des centaines de backlinks sur un contenu, en utilisant simultanément Facebook Ads, des contacts avec 20 journalistes, Twitter Ads, un e-mailling et quelques influenceurs.
Pour aider un client à améliorer son DA (Domain Authority), il est donc certainement plus pertinent de maitriser ces différents canaux d’acquisition, que de réaliser un audit de backlinks détaillé. Or, la plupart des agences SEO actuelles sont uniquement spécialisées dans l’optimisation pour les moteurs de recherche, et n’envisagent leur métier que sous un angle technique. Cette erreur est d’autant plus problématique pour le client que ce dernier ne cherche pas, in fine, un meilleur positionnement ou un meilleur trafic mais d’avantage de chiffre d’affaires. Les KPI centraux devrait donc être ceux de l’acquisition et de la conversion, avant d’être ceux des positions et du trafic.
Faisons preuve de créativité
S’il est vrai que les agences web généralistes ont généralement une maîtrise insuffisante des bases du SEO (ce qui explique pourquoi 90% des sites créés comprennent de graves manquements à l’accessibilité pour les moteurs de recherche), le manque de culture webmarketing des agences SEO est tout aussi problématique. Elle explique pourquoi nombre d’agences de référencement refusent tout bonnement de travailler sur l’acquisition de backlinks : sans une maitrise globale, allant de la définition des personas au marketing automation, en passant par l’e-mailling et la publicité sur les médias sociaux, toute opération d’acquisition de liens naturels est aujourd’hui quasiment impossible.
La créativité est un élément de plus en plus central pour réussir une campagne SEO. Le recrutement d’un graphiste, la création d’un réseau d’influenceurs et de rédacteurs un peu fous, le travail en partenariat avec des agences de presse, la formation des salariés aux logiciels d’automation sont autant de pistes à explorer pour que l’agence puisse se concentrer sur ce qui est réellement essentiel pour son client : sortir du lot. Gagner des backlinks. Créer des contenus extraordinaires au sens étymologique du terme : l’agence SEO post-Penguin, Panda et Rankbrain doit se rapprocher d’avantage d’une agence de communication que d’un groupe de techniciens « serial-crawlers ».
Dans le cadre de notre problématique de gestion du temps, la conséquence de cette évolution est principalement de l’ordre de la priorisation des tâches. D’abord le marketing, le contenu et le linkbaiting. Puis, si on a le temps et le budget, on pourra aller faire la chasse aux 404, aux pages dupliquées par WordPress, et aux optimisations du crawl budget (en tout cas pour les sites de plus de 500 pages).
Formons le client pour gagner en efficacité de travail
Un client non formé est un client chronophage. Lorsque le client est maintenu dans l’ignorance, l’agence doit lui produire davantage de documents, passer du temps à lui faire comprendre pourquoi il n’obtient pas immédiatement les résultats qu’il avait imaginé, et surtout facturer du temps passé à réaliser des tâches de faible valeur : optimiser des balises vides, créer des rapports de positionnement, re-formater ou réécrire entièrement des contenus publiés par le client après le début de la prestation.
Réduire le temps passé sur les tâches à faible valeur ajouté
Les logiciels de référencement ont fait beaucoup pour faciliter le travail des agences. Néanmoins, en devenant de plus en plus accessibles au client final lui-même, il oblige l’agence à se réinventer et à proposer des tâches à plus haute valeur ajoutée.
En 2017, notre société Mazen a réalisé une étude aux Etats-Unis (New-York et San Francisco), auprès de 45 spécialistes SEO (freelances et en agence), afin de déterminer, les tâches sur lesquelles ils passaient le plus de temps. La méthodologie de cette étude était basée sur des questions ouvertes, demandant aux personnes interrogées non pas ce qu’ils souhaiteraient pouvoir faire mais ce qu’ils faisaient concrètement. Les entretiens duraient entre 45 minutes et 3 heures selon les personnes, et nous permettaient d’identifier les tâches sur lesquelles nous pourrions, en tant que créateur de logiciel, faciliter la vie des spécialistes SEO.
Il n'est pas encore possible de révéler de façon exhaustive les résultats de l’étude, mais nous pouvons a minima affirmer que les agences et freelances passent une grande partie de leur temps facturé au client à travailler sur les tâches ayant la plus faible valeur ajouté (c’est-à-dire celles qui sont les plus répétitives).
Quelques semaines plus tard, nous avons réalisé une vidéo très courte présentant nos premières idées pour résoudre le problème essentiel de la perte de temps sur les tâches à faible valeur ajouté. Quelques jours plus tard, grâce à cette vidéo, nous étions sélectionnés par Tech Crunch Disrupt (le principal salon de start’ups innovantes aux Etats Unis) pour exposer gratuitement au sein de leur Startup Alley. Nous avons également enregistré plusieurs milliers d’inscriptions sur notre site en version Bêta grâce à la diffusion de cette vidéo sur Facebook.
Selon notre étude, les taches à faible valeur ajoutée dont il faut parvenir à limiter le temps qu’on y consacre sont essentiellement la recherche de mots-clés, le mapping (pages/mots-clés), le groupping (mots-clés principaux/mots-clés secondaires), le remplissage des balises (title, alt, description), l’audit d’indexation, la recherche des actions prioritaires et les audits de concurrence.
Conclusion
En conclusion, la clé pour réduire le temps consacré à chaque client tout en augmentant leur satisfaction est de cumuler :
- La capacité à prioriser les tâches à forte valeur ajouté ;
- La volonté de former les clients ;
- L’inscription du SEO dans le cadre plus large du webmarketing et du growth hacking ;
- L’utilisation d’outils pour réaliser les taches à faible valeur ajouté plus rapidement.
Ces 4 évolutions nécessitent souvent l’acquisition de nouvelles compétences au sein des agences SEO, qui devront se montrer moins spécialistes et plus généralistes. Dans un monde où chaque spécialiste peut être « uberisé » rapidement, le fait de disposer de compétences plus larges est une façon de sécuriser son activité tout en satisfaisant ses clients sur le plus long terme. Plutôt sympa, non ?
Mehdi Coly
Créateur de l'outil Mazen (http://mazen-app.com/)