Vous faites une refonte web avec des objectifs business bien précis à atteindre ? Vous avez un écosystème digital totalement hors contrôle avec des équipes dépassées ? Votre communication digitale manque de cohérence ? Vous avez alors intérêt à mettre en place une stratégie de contenu web. Pour vous aider à réussir ce type de projet, voici une méthodologie éprouvée, étape par étape.

Par Ève Demange


Une stratégie de contenu, pour quoi faire ?

La stratégie de contenu permet de concevoir des sites web bien structurés, réactifs en référencement naturel sur les thématiques clés pour l'entreprise, capables de transformer les visiteurs ainsi captés en clients ou en lecteurs assidus. Une bonne stratégie de contenu, correctement mise en œuvre, permet de transmettre la bonne information au bon moment, tout en assurant une communication cohérente sur tous les supports investis par l'entreprise, le tout sans plomber votre équipe éditoriale avec un projet trop ambitieux par rapport à ses capacités.

Voilà l'objectif visé, la théorie parfaite, le monde de Oui-oui ! Dans la réalité, réussir une stratégie de contenu web suppose une bonne maturité de l'entreprise sur les enjeux du digital et une excellente gestion de projet, ce qui n'est pas toujours le cas, loin de là. Mais suivre les étapes d'une bonne méthodologie projet peut vous permettre d'éviter d'accoucher (ou pas) d'une stratégie qui va faire pschiit.

1-La réflexion stratégique : de 15 jours à 3 mois

Cette étape s'avère absolument cruciale pour la réussite du projet. Dans l'idéal, voici les points que vous devrez éclaircir :

  • Analyser l'existant grâce à un audit : plus l'écosystème digital est important, plus l'audit prend du temps. Il s'agit de repérer la structure actuelle du ou des sites web, de comprendre comment les contenus sont articulés (ou pas), de voir quels objectifs sont réalisés (ou pas) sur quels dispositifs, de comprendre quels contenus sont les plus vus/utilisés par les internautes et d'identifier les failles du dispositif en termes de SEO.
  • Comprendre les besoins en information de votre audience/vos clients : nous sommes entrés dans l'ère de l'économie de l'attention. Le temps des internautes est devenu précieux car ils sont submergés d'informations. Si le contenu ne les intéresse pas et ne répond pas à leurs questions, ils passeront leur chemin car le Web est un outil interactif : l'internaute décide, il est libre de faire ce qu'il veut. On va donc s'intéresser de près à ses besoins en regardant les études marketing, en interrogeant les vendeurs, en regardant les réseaux sociaux, en analysant les statistiques. Zoom sur l'analyse sémantique des intentions de recherche : cette approche permet de coupler le SEO avec la démarche UX design.On va établir la meilleure compréhension possible de ce que recherche l'internaute, extraire les concepts (les intentions) derrière les mots-clés et s'assurer que l'on répond bien à la demande de l'internaute. Cette approche permet de travailler dans la logique de RankBrain (et de Colibri) mise en place par Google. Elle est donc naturellement SEO Friendly et optimale également en design d'expérience utilisateur (qui travaille à partir de persona pour mieux cerner la psychologie des audiences ciblées). On dépasse l'approche mot-clé/texte pour aller vers une approche question/réponse apportée à l'internaute au bon moment.
  • Ce type d'analyse offre une vision transverse des comportements sur un univers thématique entier. Il permet de comprendre de façon claire comment les internautes recherchent l'information autour d'une idée, les principales expressions qu'ils tapent sur les moteurs pour exprimer un concept. Il donne une vision d'ensemble des grands sujets à développer sur un univers plutôt qu'un autre et permet de classer les intentions par phase de maturité.

Exemple :

  • Questions génériques « à quoi sert l'assurance vie » ou « assurance vie pour les nuls » ;
  • Intentions de plus en plus précises à mesure que le projet devient plus concret dans la tête de l'utilisateur : « frais d'entrée assurance vie », « frais de succession assurance vie ». Cette approche s'inscrit dans la démarche UX design : design d'expérience utilisateur.


Fig.1. Exemple de mots-clés classés par phase de maturité.

Cette analyse sémantique des intentions offre une vision globale des intentions de requêtes des internautes sur plusieurs univers. Par exemple, l'étude de quatre univers d'un site d'assurance a montré de grandes disparités dans les besoins en information. Sur l'assurance vie et l'assurance patrimoine, l'essentiel des mots-clés/questions portait sur le taux, le rendement. Sur l'assurance décès, les mots-clés/questions portaient essentiellement sur la couverture, ex : « serais-je bien couvert si je fais un sport à risques ? ». On sait donc déjà dès le départ que les deux univers n'auront pas du tout la même physionomie. Ils ne proposeront pas les mêmes parcours et ne développeront pas les mêmes contenus.


Fig.2. Vision transverse - Extrait d'une analyse sémantique réalisée sur l'assurance vie.

 


Fig.3. Intentions clés - Extrait d'une analyse sémantique réalisée sur l'assurance vie.

Les outils à utiliser : Google keyword planner, SEMrush, Market Explorer de Yooda Insight, ou Answer the Public. Note : ces outils ne remplacent pas l'intelligence humaine et la logique sémantique, vous devrez toujours mettre votre nez dans les résultats pour segmenter et classer les intentions. 

  • Comprendre les objectifs de l'entreprise, ou l'aider à définir ses objectifs : la stratégie est au service des objectifs visés par l'entreprise. Si celle-ci n'en a pas, ou plutôt si elle n'y a pas assez réfléchi, il va falloir l'accompagner dans la réflexion. C'est là que les ateliers de réflexion et de co-création peuvent s'avérer très utiles. Ils permettent de réunir plusieurs personnes autour d'une même table et de mener une réflexion approfondie sur un sujet afin de prendre des décisions importantes. Lors d'un projet réalisé avec l'agence UX Axance en 2017, nous avons décomposé la réflexion stratégique en 3 ateliers avec l'équipe digitale de l'entreprise : stratégique (ambition du projet), persona (cibles visées) et parcours (contenus à développer).

Principaux risques d'échec à cette étape : la phase de réflexion est la période de tous les dangers pour la mise en place d'une stratégie de contenu efficace. Si votre client/patron n'est pas assez mature sur le digital, il ne comprendra pas l'intérêt de faire ce travail chronophage. Nous avons déjà entendu la directrice de la communication d'une grande banque dire « le SEO ? Tant pis ! » à propos de la refonte d'une vitrine digitale qui visait l'augmentation des leads. Il faut parfois (souvent) s'armer de patience, faire de la pédagogie pour expliquer l'intérêt de la démarche.

Si l'équipe projet de prend pas assez de hauteur, le risque est tout aussi grand de partir sur une stratégie qui va permettre de développer la visibilité du site sur un potentiel SEO mais qui ne permettra pas à l'entreprise de transformer les visiteurs en clients.

Enfin, plus le site est petit et plus la stratégie est simple à mettre en œuvre. Si vous travaillez sur un vaste écosystème digital, et que vous visez la refonte d'une brique éditoriale importante, vous ne pourrez pas faire l'économie d'une réflexion globale sur tout l'écosystème pour éviter les redondances, les zones de frottement et le duplicate content, sans compter les problèmes politiques que pose tout changement de périmètre (qui va gérer les contenus : le marketing ? La com ? Le digital ?) Et là, il faudra s'y mettre à plusieurs pour réfléchir, avec la bénédiction du client/du patron.

2-La création de l'arborescence et le design des écrans clés : 1 à 2 semaines

Une fois les grands axes de la stratégie de contenu définis, on passe à la réalisation de l'arborescence et des gabarits principaux du site (aussi appelés maquettes). L'arborescence et les gabarits sont le fruit de la réflexion menée en amont. Tant que vous ne serez pas clair.e sur la première étape, cette deuxième étape vous paraîtra fastidieuse. Vous ne saurez pas exactement comment organiser les informations, comment structurer vos pages, ni vers quel but guider vos internautes.

  • L'arborescence : l'analyse sémantique a permis d'identifier les grandes intentions de requêtes, les concepts et tous les sujets qui s'y rapportent. L'arborescence va organiser les sujets traités selon une logique sémantique. Les parcours utilisateur vont permettre de compléter l'approche en imaginant les questions que les visiteurs vont se poser autour d'un sujet, ou de classer les pages produit d'un site e-commerce de l'intention la plus générique en allant vers l'intention la plus précise.


Fig.4. Extrait d'une arborescence réalisée sur l'outil XMind pour un site e-commerce de luxe.

  • Les parcours utilisateur : en parallèle du travail sur l'arborescence, la réflexion sur les parcours utilisateur va permettre de concevoir des pages capables de bien répondre aux questions que se posent les utilisateurs, aux bons moments durant leur expérience de navigation. On va réinjecter la connaissance précise des besoins en information, acquise grâce à l'analyse sémantique des intentions de recherche, dans les parcours.


Fig.5. Vision schématique d'un parcours utilisateur - freins et moments clés symbolisés par des smileys. © Axance.


Fig.6. Slide extraite de la conférence donnée lors du SEO Campus
(Récit d'une stratégie de contenu mise en place lors d'une refonte éditoriale complète).

Par exemple : sur les moteurs, on identifie grâce à l'analyse des requêtes réalisée en amont que les prospects posent de nombreuses questions autour de la différence entre assurance décès et assurance vie > ils ne comprennent pas la différence entre les deux. Exemple d'intentions :

    différence entre assurance vie et assurance décès
    assurance vie capital décès
    assurance vie en cas de décès
    assurance vie décès
    capital décès assurance vie
    décès assurance vie
    assurance vie assurance décès
    assurance en cas de vie
    différence assurance vie et décès
    assurance vie avec capital décès
    assurance sur la vie en cas de décès
    assurance vie santé et invalidité
    assurance décès ou assurance vie
    assurance vie assurance décès différence
    assurance décès assurance vie
    assurance décès vie entière

Le concept principal est : "quelle est la différence entre assurance vie et assurance décès", et le besoin de l'internaute : "aide-moi à comprendre la différence entre les deux types d'assurances".

Pour l'aider, on imagine un dispositif éditorial placé en amont du cycle d'achat/de souscription. Le prospect ne sait pas encore ce qu'il veut, il ne sait même pas s'il a besoin d'une assurance décès ou d'une assurance vie :

• Le premier écran va expliquer la différence entre les deux : on va compléter cette approche par des articles (situés en bas de l'écran, également bons pour le SEO) et des histoires de vie pour travailler la dimension storytelling (comprendre de l'intérieur, avec le cœur, en s'identifiant à un personnage).
•  Le deuxième propose la meilleure solution selon la problématique dans une démarche interactive.


 

Fig.7. 2 écrans conçus en binôme avec des UX designers. © Axance.

On va imaginer des pages catégories, des fiches produits, des dossiers, des articles, des vidéos en partant toujours de l'intention/le concept et avec pour objectif d'amener le visiteur ainsi capté vers la page sur laquelle on souhaite qu'il réalise l'action profitable pour l'entreprise (souscription, fiche produit, contact, etc).

3-La création des contenus : charte éditoriale, inventaire et planning, rédaction SEO et storytelling

Une fois l'arborescence créée et les principaux gabarits imaginés pour bien répondre aux intentions de recherche des prospects et les guider vers la page clé dans le dispositif de stratégie de contenu (souscription, fiche produit, contact/lead), on va planifier la production des contenus. La création d'une ligne éditoriale va permettre de transmettre la vision de l'entreprise, son univers et son style d'une manière unique. Après avoir travaillé le « faire-savoir » et le « faire agir », on va travailler le « faire aimer » de l'entreprise pour mettre en valeur le « savoir-faire. »

Tout un programme que nous aborderons ensemble dans le prochain numéro !


Ève Demange, créatrice du site Plume Interactive (http://www.plume-interactive.fr/) et co-auteure du livre "Stratégie de contenu e-commerce" aux éditions Eyrolles.