Comment estimer la valeur d’un nom de domaine ?

La valeur potentielle et les critères d'évaluation

Mais qu'est-ce qui explique qu'on puisse acheter un nom de domaine 10€ et un autre 100 000 € ? Qu'est ce qui influe sur cette fameuse demande, et donc sur le prix ?

Il existe de nombreux critères qu'il faut prendre en compte car ils peuvent tous modifier plus ou moins fortement cette estimation, en fonction bien entendu de l'objectif que l'on aura en achetant un nom de domaine. En fonction de ce dernier, certains critères auront une importance énorme et d'autres moins. Ainsi, nous n'allons pas évaluer un nom de domaine de la même façon si on l'achète pour un réseau de site ou pour créer une société.

Les aspects marketing

C'est le critère le plus simple : est-ce que le nom de domaine a une connotation marketing ? Si on reprend les exemples précédents avec auto.fr ou blackjack.org, on peut très facilement imaginer des stratégies marketing et des modèles économiques simples et efficaces pour de futurs sites. On estimera alors la valeur du nom de domaine selon le potentiel économique d'un point de vue marketing.

Imaginons par exemple que la marque Cdiscount n'existe pas, le nom de domaine cdiscount.fr pour une activité basée sur stratégie marketing « prix » est adapté, ce qui augmenterait immédiatement la valeur de celui-ci.

L'extension

L'extension du nom de domaine est très importante : .fr, .com, .org, etc. C'est ce qu'on appelle le TLD : le Top Level Domain. Et il est important pour plusieurs raisons.

La première est le fait que le nom de domaine visé (avec un Top Level Domain) soit libre, mais que les autres TLD le soient aussi. Si ce n'est pas le cas, cela veut dire qu'il existe un risque potentiel de parasitage commercial. Si je réserve auto.fr, le fait que auto.com, auto.eu ou encore que auto.info soient libres fait prendre un risque marketing (nous ne parlons même pas de droit des marques pour le moment). Un nom de domaine aura donc plus de valeur si les autres TLD sont disponibles.

La deuxième raison est que chaque TLD a une signification pour les utilisateurs. Voici quelques exemples :

• Les génériques : .com, .info ;
• Les locaux : .fr, .de, .it, .es, etc.
• Les pro-business : .biz ;
• Les organisations/associations : .org ;
• Les technologies : .io (en fait, les îles de l'Océan indien, donc attention !).

Avoir un TLD qui correspond dans l'esprit des internautes à ce que l'on veut en faire peut donc augmenter la valeur du domaine.

Troisième raison : la pérennité de l'extension du nom de domaine. Sur les plus connues, le risque est inexistant : par exemple les noms de domaine en .com continueront d'exister pendant longtemps. Mais certains TLD ont des particularités qui peuvent drastiquement réduire leur valeur potentielle.

Prenons un exemple concret, les .eu. Ils sont destinés aux pays de l'Union Européenne. Avec le Brexit, les entreprises britanniques qui avaient choisies ce TLD risquent de se voir retirer le droit de les utiliser. Ils devraient alors repartir de zéro tandis que d'autres sociétés vont pouvoir les réutiliser. 300 000 noms de domaines seraient ainsi dans la balance (source).

Dimension phonétique, longueur et rareté

Cet aspect doit aussi être pris en compte. Plus le nom de domaine sera optimisé phonétiquement, plus il aura tendance à avoir de la valeur. Cela inclut ces aspects :

• Est-il relativement court ?
• Est-ce qu'il se retient bien ?
• Est-il facile à écrire ou à épeler ?
• A-t-il du sens ?

Si vous répondez oui à chacun de ces questions, il est fort probable que le nom de domaine ait plus de valeur.

Situation légale

Ce point-là peut réduire à néant la valeur d'un nom de domaine : y a-t-il des contraintes juridiques ou non liées à ce dernier ?

En  d'autres termes, le nom de domaine correspond-il exactement (ou de façon proche) à une marque déposée. Si oui, l'estimation va considérablement diminuer. Si rien ne vous empêche de réserver un nom de domaine qui correspond à une marque déjà déposée, cela ne veut pas dire que vous en avez le droit. Vous risquez des poursuites judiciaires avec la perte du nom de domaine ainsi que d'éventuelles amendes, notamment pour parasitisme commercial.

Vous devez donc vous assurer que le nom de domaine à acheter ou à vendre soit exempt de dépôt de marque. Pour cela, il faut faire une recherche :

• Auprès de l'INPI pour les marques françaises : https://www.inpi.fr/fr ;
• UPSTO pour les États-Unis : https://www.uspto.gov/trademarks-application-process/search-trademark-database ;
• WIPO pour les recherches internationales : https://www.wipo.int/branddb/en/.

Ayez bien en tête qu'une marque est déposée pour une zone géographique bien spécifique et selon ce qu'on appelle des classes, c'est-à-dire des utilisations potentielles. On peut donc très bien avoir une marque déposée identique au nom de domaine que l'on veut évaluer, mais nous ciblons la France quand la marque est simplement déposée en Espagne, ou bien encore la marque est déposée dans notre zone géographique mais pas sur les mêmes classes (par exemple nous pour des logiciels et eux pour des serrures).

Fig. 2. Quelques exemples de classes de l'INPI.

Là où vous pouvez par contre contourner le problème de la marque, c'est quand celle-ci correspond à un terme générique. Si par exemple on réserve le nom de domaine materiel.com alors que la marque materiel.net est déposée, le risque est plus faible car le terme de base est un mot courant dans la langue française (et donc tout sera question de point de vue devant un juge éventuel).

Le trafic et la notoriété actuelle

Ce point-là va faire tout de suite augmenter la valeur : si le nom de domaine est connu du grand public (et si possible dans votre domaine d'activité), ou si ce dernier génère encore du trafic, cela décuple le potentiel économique.

Si par exemple le nom de domaine Fnac.com venait à être vendu, il aurait de façon évidente une vraie valeur marketing pour son repreneur.

Un domaine vendu seul ?

Dernier élément marketing qui va influer sur l'estimation : le nom de domaine est-il vendu seul ou avec d'autres éléments ? On peut notamment penser :

• Au site (design, développement, etc.) ;
• A la base de données client ;
• Aux contenus ;
• Aux visuels ;
• Etc.

C'est assez logique ici : la valeur du nom de domaine va augmenter si l'on récupère ces autres éléments au passage.

La valeur SEO

D'un point de vue référencement naturel, nous allons prendre en compte d'autres critères complémentaires pour évaluer la valeur de notre nom de domaine.

L'historique

C'est le plus simple : à quoi servait ce nom de domaine avant de le racheter ? Si l'ancienne thématique est identique, cela augmente la pertinence du domaine.
Pour vérifier cela, rien de plus simple : utilisez le service WayBackArchive pour avoir un nombre plus ou moins grand de captures d'écrans de l'ancien site : https://archive.org/web/. Si par exemple nous souhaitons racheter le nom de domaine abondance.com pour un site e-commerce alimentaire, il est intéressant de voir l'ancienne thématique de ce dernier comme le montre l'image suivante :

Fig. 3. Le nom de domaine Abondance.com en 1999 (NDLR : on ne se moque pas, merci !).

Attention en revanche : avoir une thématique identique ou proche augmente fortement la valeur. L'inverse n'est pas forcément vrai comme le montre l'exemple de marine2017.fr, l'ancien site pour l'élection présidentielle et qui est devenu un comparateur de prix qui se positionne très bien actuellement dans les moteurs de recherche (malgré des liens portant sur une thématique qui n'a rien à voir).

Backlinks et domaines référents

Sur ce point, nous n'apprenons rien à personne : le nombre de backlinks donne une vraie valeur à un nom de domaine. Attention cependant à ne pas prendre en compte uniquement le nombre de liens mais aussi et surtout le nombre de domaines référents. Plus ces derniers sont nombreux, plus le nom de domaine visé sera populaire et crédible.

Cela va d'ailleurs améliorer les notes des différents outils existants : Ahrefs, Majestic SEO, etc. On a souvent tendance à prendre par exemple le Citation Flow et le Trust Flow de Majestic SEO comme indicateurs pour remplacer l'ancien Toolbar PageRank.

Fig. 4. 4 exemples des chiffres intéressants à regarder.

C'est une bonne base de travail mais faites TRÈS attention à ce type de données :

• Ces liens sont ceux trouvés par l'outil concerné, Google ne les connaît pas forcément ;
• Google peut aussi considérer que ces liens sont nocifs ou mal conçus (donc non pris en compte ou dans le pire des cas pris en compte comme néfaste pour le site ciblé) ;
• Ces liens peuvent aussi être faits sur des sites non indexés. Les backlinks sont alors inutiles (nofollow, noindex, liens en JS, balises canoniques, etc.).

La sémantique des liens

En plus de leur nombre, il faut regarder d'autres aspects de ces liens. Sont-ils sémantiquement adaptés à ce que l'on veut faire du nom de domaine. Si oui, cela augmente d'autant plus la valeur de ce dernier.

On va donc regarder les ancres de lien utilisées : quels textes existent parmi l'ensemble des liens qui pointent vers mon nom de domaine cible ? Plus les termes seront proches de la future activité, mieux ce sera.

De même, quelle est la thématique des pages qui font des liens vers le site ? Là encore, des sujets proches ou identiques sont un vrai plus.

Sur-optimisaton ou pénalisation

Il s'agit là d'un point plus difficile à vérifier : les liens qui existent vers le nom de domaine cible sont-ils nocifs ? Ils peuvent l'être de deux façons :

• Des liens trop optimisés, notamment au niveau des ancres ;
• Des liens venant de site pénalisés.

Pour vérifier cela, il existe des modules dans les outils cités précédemment, par exemple dans SemRush. Il existe aussi sur le site Removeem avec son petit bouton en bas à droite « Check Diversity » pour regarder rapidement une éventuelle sur-optimisation : https://www.removeem.com/

Pérennité des liens

C'est sans doute un point clé souvent ignoré. Il ne suffit pas qu'un domaine dispose de liens de qualité, il faudrait avoir en plus l'assurance qu'une majorité d'entre eux existeront encore dans les mois et années à venir.

Si l'origine des liens d'un nom de domaine est douteuse, il y a plus de chances que ces derniers soient supprimés à court ou moyen terme, ce qui diminuerait fortement l'estimation.

Le nom de domaine se positionne -t-il ?

Dernier point : est-ce que le nom de domaine que l'on veut racheter se positionne sur certains mots clés ? Si oui lesquels, et sur quelles pages ?

Plus nous aurons un site déjà positionné (si possible dans notre thématique), mieux ce sera. Mais ce n'est surtout valable que si le site est actif. Si le site est supprimé et en attente d'un repreneur, il sera souvent non présent dans les moteurs de recherche alors qu'il dispose des liens nécessaires.

Ce qui peut dévaluer un nom de domaine

Voyons enfin les autres critères qui vont dévaluer un nom de domaine :

Marque

Nous en avons déjà parlé : le nom de domaine que l'on cible est-il déjà protégé par le droit des marques ou par une marque similaire ? Il vous faut aussi vous demander s'il est possible de déposer le nom de domaine comme marque avec les classes et la zone géographique désirée.

Pénalités

Le site a-t-il déjà été pénalisé par les moteurs de recherche ? Pour voir ce point, une analyse sur SemRush est très utile. Il suffit de lancer une recherche sur le nom de domaine puis vous rendre dans le menu « Analyse de domaine > Recherche organique ». Dans le graphique, pensez bien à sélectionner 1A ou 2A (pour une analyse sur 1 ou 2 ans) et « Mots clés » pour faire une analyse sur le nombre de mots clés positionnés.

 

Fig. 5. Un exemple de domaine qui avait subi une chute SEO en Mai 2018.

Si vous avez accès aux statistiques sur Google Analytics, nous conseillons aussi l'excellent Panguin Tool pour regarder si une chute de trafic correspond à un changement d'algorithme connu de Google : https://barracuda.digital/panguin-seo-tool/

Et de même, si vous avez les accès à la Search Console, consultez le menu des actions manuelles pour vérifier la présence ou non d'une pénalité de ce type.

Virus et piratage

Au-delà des pénalités en référencement, le nom de domaine a peut-être été piraté. Si c'est le cas, le fait de créer un nouveau site va supprimer le piratage. Le problème est que :

• Google aura en mémoire les URL créées lors du piratage, et il faudra les rediriger ;
• Il faudra peut-être indiquer à Google dans la Search Console que le site n'est plus piraté ;
• Certains logiciels antivirus ont peut-être bloqué le nom de domaine et il faudra alors le débloquer.

Ces trois éléments dévaluent le nom de domaine.

Attention, cela n'a rien d'irréversible, mais cela vous demandera un travail plus ou moins important.

Pour vérifier le bannissement par un antivirus, vous pouvez consulter les deux outils suivants qui vérifient certaines listes d'antivirus connus :

• https://sitecheck.sucuri.net/ ;
• https://www.urlvoid.com/.

Plusieurs significations pour un même terme

Dernier point, regardez si le nom de domaine peut avoir plusieurs significations. Plus ce sera le cas, moins le domaine aura de valeur (d'un point de vue marketing).

Un exemple rapide

Si l'on prend un domaine en vente (au moment où nous écrivons cet article) sur Kifdom, voici une analyse rapide de quelques points SEO. Le nom de domaine est factomedia.fr :

• Majestic SEO :
  • Trust Flow de 10 ;
  • Citation flow de 12 ;
  • 235 liens depuis 68 domaines référents ;
  • Ce nom de domaine dispose donc d'une petite base intéressante de popularité (d'un point de vue « brut »).
• Thématique du domaine : agence de communication (si l'on en croit les ancres sur WayBackArchive) ;
• Une grande part d'ancres de liens est réalisée actuellement sur la « marque » et peu d'ancres sont liées à un mot clé précis :
  • Factomédia ;
  • www.factomedia.com ;
  • Agence factomedia ;
  • Etc.
• Le nom de domaine est peut-être soumis à une marque. Une recherche simple sur l'INPI ne renvoie rien mais c'est potentiellement le cas ;
• A une époque le nom de domaine était redirigé vers Factocom (agence de communication) comme le montre WayBackArchive ;
• Une partie des liens semble être des liens de footer du type « Site créé par X ». Il est donc probable que ces liens soient supprimés au fur et à mesure des refontes de ces sites ;
• Le nom de domaine est court, se retient bien et peut avoir une communication ayant trait aux aspects suivants :
  • Technologie ;
  • Média ;
  • Marketing ;
  • publicité ;
  • Information
  • etc.
• SemRush : le site ne se positionne sur aucun mot clé actuellement (c'est logique car le site a été supprimé et le nom de domaine est une coquille vide) ;
• Les thématiques de domaines référents sur SemRush ne sont pas exceptionnelles et pourraient potentiellement disparaître facilement :
  • Un annuaire ;
  • Un site sur les prêt et hypothèques ;
  • Un hôtel au Cambodge ;
  • Un cabinet comptable ;
  • Etc. :
• Site non blacklisté a priori par les antivirus.

Dans cet exemple, le nom de domaine n'est pas extraordinaire, mais peut être intéressant à utiliser. Proposé à 30€ en achat immédiat, le prix nous semble plutôt juste (mais ici tout est une question de point de vue).

Conclusion

En fonction de notre stratégie, un nom de domaine peut avoir une valeur inestimable ou nulle. Tout dépend des raisons qui vous poussent à l'acheter et du nombre d'acheteurs potentiellement intéressés. Un nom de domaine peut ainsi valoir à peine quelques euros pour certains jusqu'à des dizaines de milliers, voire plus, pour d'autres.

La seule chose certaine dans ce type d'estimation, est représentée par les critères qui vont dévaluer un nom de domaine : le droit des marque, la pérennité du nom de domaine et celle des backlinks, ou encore les pénalités importantes qui existeraient actuellement en SEO ou après d'antivirus.