La procédure DMCA (Digital Millenium Copyright Act) est une loi américaine ayant pour objectif de lutter contre la violation du droit d'auteur. Dans cette optique, Google propose ainsi un formulaire permettant de signaler un site web ayant copié vos contenus, afin de le désindexer. Mais cette procédure est également parfois utilisée par des webmasters peu scrupuleux pour affaiblir la visibilité de leurs concurrents au travers de pratiques de Negative SEO. Il est donc important de bien connaître le fonctionnement de ce système pour l'utiliser à bon escient mais également pour se défendre contre les spammeurs.
En référencement naturel, on peut parfois subir des techniques visant à pénaliser, voire même supprimer nos contenus. A la base prévue pour protéger le droit d’auteur américain, une procédure DMCA peut notamment nuire fortement au positionnement de certaines publications, ou plus globalement de votre site.
Nous allons voir dans cet article de quoi il retourne, comment s’en prémunir et pourquoi il est parfois utile d’en faire soi-même.
Le DMCA, c'est quoi ?
DCMA signifie Digital Millennium Copyright Act, une loi américaine adoptée en 1998 et qui vise à lutter contre tout type de violation du droit d’auteur. Cette loi DMCA est notamment très utilisée dans le cadre du piratage de certaines œuvres comme les films, la musique ou encore les jeux vidéo. Elle permet en outre d’imposer certaines obligations techniques (par exemple des spécifications techniques sur la lecture des blu-rays).
Sur le Web, elle permet de pouvoir se retourner contre tout site web qui diffuserait certaines œuvres ou contenus sans en avoir l’autorisation (source). Pour ceux que cela intéresse, on peut même retrouver le texte intégral de la loi directement ici : https://www.copyright.gov/legislation/dmca.pdf
En d’autres termes, tous vos contenus sur Internet peuvent potentiellement y être soumis :
- Vos pages HTML ;
- Tous les fichiers texte (DOC, PDF, TXT, PPT, txt, etc.) ;
- Les images (JPEG, SVG, , GIF, PNG, PSD, etc.) ;
- Les vidéos (MPG, AVI, MOV, FLV, MP4, etc.) ;
- La musique (MP3, AIF, WAV, etc.).
Et cela concerne vos propres sites mais aussi tout autre emplacement du Web sur lesquels vous pourriez publier ce type de contenus (réseaux sociaux, forums, commentaires de blog et ainsi de suite).
Quel impact sur le Web ?
Beaucoup d’auteurs ou de propriétaires de droits d’auteur font appel à cette loi (et à ses équivalents pour les autres pays) afin de faire retirer tout contenu illégalement repris.
Google a ainsi un site web dédié donnant quelques chiffres. Au moment où cet article est écrit, le moteur de recherche indique avoir plus de 4 milliards d’URL qui ont fait l’objet d’une demande de retrait.
Fig. 1. Les chiffres énormes donnés par Google.
Il faut de plus garder en tête que ces chiffres sont loin de représenter la totalité des problématiques de droit d’auteur. Ils doivent être augmentés puisque :
- Certaines demandes de retrait se font en direct (« Merci de retirer ce contenu qui… ») ;
- Certaines demandes passent par des cabinets d’avocats ;
- D’autres sites ont des procédures équivalentes, comme :
Quand Google décide-t-il d’appliquer une demande de retrait ?
Normalement, Google ne retire un contenu qui enfreint le droit d’auteur que lorsque c'est mérité et justifié. Le moteur de recherche donne notamment des typologies de demandes qui ont été refusées par leurs services ici : https://transparencyreport.google.com/copyright/overview?copyright_process=p:2&lu=copyright_process
Fig. 2. Un exemple d’un type de demande DMCA abusive selon Google.
Cependant, dans les faits, une demande de retrait DMCA auprès de Google est la plupart du temps acceptée sans réelle vérification (comme nous le montrerons plus loin). Sur le site TransparencyReport, on peut ainsi avoir accès à des statistiques détaillées par demandeur. Sur cette page, on peut ainsi obtenir des informations sur toutes les demandes de la société FOX. Il est intéressant de voir en bas de page le pourcentage de réussite de chaque réclamation (souvent proche de 100% si on additionne les pages retirées et celles qui n’étaient pas dans l’index de Google).
Fig. 3. Des chiffres sur les demandes de la société FOX.
Negative SEO et DMCA
En soi, si vous êtes dans votre droit, le DMCA et les formulaires qui vont avec sont une bonne solution pour se protéger des abus et vols de vos contenus. Dans les faits, le DMCA est parfois utilisé en SEO pour pénaliser un concurrent. On peut ainsi faire une demande de retrait sur tout ou partie des contenus d’un autre site. Dans un grand nombre de cas, aucune vérification n’est réalisée par les équipes de Google dans le sens où l’on serait présumé coupable (nous y reviendrons plus loin).
Prenons un exemple concret : le 17 Juillet 2018, la société « Topple Track » fait une requête DMCA auprès de Google pour retirer 25 contenus différents. Le motif invoqué est le suivant : un album de musique serait utilisé dans ces 25 URL. Malheureusement, la plupart des liens en question sont des contenus provenant d’agences ou de freelances web, qui tous se positionnaient plus ou moins bien sur la requête « netlinking ».
Fig. 4. Un exemple d’une requête DMCA absurde.
C’est un cas flagrant de négative SEO qui a fonctionné de façon très efficace (en moins de 3 jours après la demande, la quasi-totalité des contenus ont été retiré de l’index de Google) :
Fig. 5. La réaction de l’un des propriétaires concernés.
Pour chaque demande auprès de Google, le site LumenDatabase conserve un historique de chacune des demandes. Voici celles de la demande prise en exemple : https://www.lumendatabase.org/notices/16926631 .
Vous pouvez même demander à avoir le détail des URL concernées en utilisant le lien en bas de la notice DMCA. On vous enverra alors un lien unique pour avoir accès aux informations détaillées.
Ce n’est malheureusement pas un cas isolé, comme le prouvent différents articles sur le sujet. On peut ainsi citer ici cet autre cas où un article faisant le résumé d’un épisode de Games Of Thrones (sans donner les dialogues en détail et sans proposer un téléchargement illégal de l’épisode) avait lui-aussi été pénalisé automatiquement : https://www.notuxedo.com/plainte-dmca-google/.
On peut bien entendu se défendre et demander le retrait d’une telle plainte. Mais en réalité, cela pose plusieurs problèmes :
- Le site Lumen conservera la trace de la demande, même si celle-ci a été déboutée ;
- Il est chronophage de faire valoir ses droits ;
- Le temps que Google traite la demande, vous perdez le trafic sur les URL concernées.
Pire encore, Google a indiqué en 2018 que les demandes DMCA faisaient partir de l’algorithme global de notation d’un site (le retrait d’une URL peut pénaliser le site dans son ensemble) : Since we re-booted our copyright removals over two years ago, we’ve been given much more data by copyright owners about infringing content online. In fact, we’re now receiving and processing more copyright removal notices every day than we did in all of 2009—more than 4.3 million URLs in the last 30 days alone. We will now be using this data as a signal in our search rankings.
Source : https://www.shoutmeloud.com/dmca-takedown-penalty-added-as-new-factor-in-google-ranking.html
Que fairesi vous êtes victime d'une procédure DMCA injustifiée ?
Si jamais vous recevez une plainte DMCA, vous recevrez un email de la part de Google via la Search Console. Ce message vous indique la marche à suivre :
Fig. 6. Un email d’exemple de plainte DMCA reçu par la Search Console.
Vous noterez au passage la phrase explicite « Le processus de suppression du contenu présumé illégal des résultats de recherche Google est en cours ». Google indique d’ailleurs avoir des partenaires de « confiance » sur les plaintes DMCA, d’où le fait que l’on soit présumé coupable par défaut.
Pour ceux qui en abusent, Google fait heureusement le ménage comme pour Topple Track (à l’origine du premier exemple) qui a été retiré du programme de « confiance » DMCA : https://www.eff.org/fr/deeplinks/2018/08/topple-track-attacks-eff-and-others-outrageous-dmca-notices
Pour revenir à l’email envoyé par Google, le moteur de recherche indique qu’il vous faut suivre certaines étapes. D’abord, vérifiez que vous êtes dans votre bon droit. On peut parfois se tromper et enfreindre le droit d’auteur sans le savoir :
- L’image n’était pas libre de droit ;
- Vous pensez que la musique était tombée dans le domaine public ;
- Vous avez cité une part trop importante de l’œuvre ;
- Etc.
Google vous conseille au passage de consulter un avocat (si vous en avez les moyens, c’est fortement conseillé).
Heureusement, vous avez un droit de réponse. Vous pouvez en effet contester a posteriori la plainte. Il vous faudra alors argumenter sur votre bon droit et sur le motif infondé de la demande DMCA. Pour contester la plainte, Google propose un formulaire dédié : https://support.google.com/legal/contact/lr_counternotice?product=websearch
Au bout de quelques jours, Google vous indiquera si oui ou non il accepte votre contestation.
Dans le même temps, si vous utilisez AdSense ou AdWords, il est fortement conseillé de retirer les URL concernées pour éviter un blocage du compte concerné.
Pourquoi mettre en place une procédure DMCA ?
A l’inverse, vous pouvez être amené à faire une demande DMCA pour faire valoir vos droits. Si on vous vole vos contenus, c’est une méthode parmi d’autres pour faire retirer l’URL concernée.
Cependant, ce n’est pas systématiquement la bonne méthode :
- Un simple email est parfois bien plus rapide ;
- Il est parfois intéressant de conserver le contenu (partiellement) volé et de demander en échange un ou plusieurs liens vers son propre site ou vers le contenu d’origine (le vol devient une citation et vous donne de la popularité) ;
- De plus, si la procédure DMCA s'active, le contenu reste en ligne, même s'il n'est plus référencé sur Google ;
- Dans le cadre d’un vol de la part d’un concurrent, une action en justice pourrait le dissuader bien plus fortement.
Comment faire une demande DMCA ?
C’est assez simple. Pour chaque outil, il y a souvent un ou plusieurs formulaires dédiés qui vous permettent d’envoyer ce type de demandes. Le prestataire SEOLogic en cite d’ailleurs un grand nombre dans son article : https://seologic.com/faq/dmca-notifications
Pour Google, il suffit donc d’utiliser le formulaire suivant, et de remplir tous les champs demandés https://support.google.com/legal/troubleshooter/1114905?rd=2 avec l’option « J'ai rencontré un problème d'ordre juridique non mentionné ci-dessus. ».
En suivant les différentes étapes puis le dernier lien, vous arriverez sur le formulaire dédié :
Fig. 7. Le formulaire DMCA de Google.
Attention cependant, vos informations peuvent être transmises au passage :
- Au propriétaire du site concerné ;
- Sur le site LumenDatabase ;
- Au service juridique de Google.
Il est notamment précisé que cela se fait à vos risques et périls : IMPORTANT : Si vous prétendez à tort qu'un contenu ou qu'une activité porte atteinte à vos droits d'auteur, vous serez redevable des éventuels dommages et intérêts (y compris des frais de justice et d'avocat afférents). Selon la jurisprudence américaine, avant d'envoyer une notification, vous devez prendre en considération les défenses, limites et exceptions applicables en matière de droits d'auteur. Dans un litige relatif à un contenu en ligne, une entreprise ayant signalé un contenu en ligne protégé par la doctrine américaine "fair use" (usage loyal) a dû régler les frais de justice et d'avocat occasionnés (soit plus de 100 000 USD). Par conséquent, si vous n'êtes pas certain que le contenu disponible en ligne porte atteinte à vos droits d'auteur, nous vous conseillons dans un premier temps de contacter un avocat.
Il est donc fortement déconseillé de faire ce type de demande si vous n’êtes pas dans votre bon droit. La société Topple Track (et sa demande abusive) semble ainsi ne plus exister (nom de domaine en vente).
S’il y a une vraie violation de vos droits, vous pouvez soumettre vous-même la demande, ou bien faire appel à des sociétés spécialisées comme :
- https://www.dmca.com/ ;
- http://www.brandanalytic.com/fr/suppression-des-contenus-illicites-sur-google/ ;
- Etc.
L’hébergeur Kinsta vous donne même un exemple de réponse-type pour demander le retrait d’un contenu, d’abord en contactant directement les sites concernés, puis en passant par la plainte DMCA : https://kinsta.com/fr/blog/emettre-avis-retrait-dmca/. Dans les deux cas, pensez à d’abord vous renseigner sur le propriétaire du site qui vous vole votre contenu, notamment :
- En faisant une recherche WHOIS, par exemple avec http://whois.domaintools.com/ ;
- En cherchant l’hébergeur du contenu :
- Via les mentions légales du site ;
- Via des outils comme https://hostadvice.com/tools/whois/.
Une fois votre demande soumise (pour Google), vous aurez accès à un tableau de bord permettant d’en suivre l’évolution : https://www.google.com/webmasters/tools/dmca-dashboard?hl=fr&pid=0
Fig. 8. Votre tableau de bord « DMCA ».
Il vous faudra ensuite répéter l’opération pour tous les autres moteurs de recherche qui pourraient afficher le contenu volé.
Conclusion
La plainte DMCA est un outil protégeant les auteurs de tout type de contenu. Appliqué au Web, c’est une protection juridique supplémentaire pour vous protéger du vol de tous vos contenus (HTML, images, vidéos, etc.).
Malheureusement, ces plaintes peuvent parfois être détournées pour pénaliser un concurrent. Dans ce cas de figure, il faut agir vite et argumenter point par point pour ne pas être pénalisé.
Dans le sens inverse, si l’on vous vole vos contenus, c’est un moyen de plus (mais pas forcément le meilleur) pour vous défendre. Ne l'oubliez jamais !
Daniel Roch, consultant WordPress, Référencement et Webmarketing chez SeoMix (https://www.seomix.fr)