Un prestataire SEO, notamment en cas de prestations récurrentes avec son client, s'engage souvent sur un certain nombre d'objectifs et de mise en place d'actions pour augmenter la visibilité d'un site web. La signature d'un contrat est-elle obligatoire entre les deux parties dans le droit français ? Le RGPD a-t-il changé la donne depuis quelques années ? Voici les réponses de notre avocat à cette épineuse (et sensée) question...

Notre secteur est émaillé de quelques différends entre clients et prestataires SEO, principalement du fait de la déception du client quant à ses positions finales en référencement naturel. En effet, de nombreux clients ont des espoirs souvent disproportionnés par rapport à la réalité et à ce qui est faisable. Et, d'un autre côté, certains prestataires et agences SEO ne sont pas toujours d'une fiabilité et d'une honnêteté parfaite, il faut bien le dire... Souvent, dans ces cas de divergence, les parties ouvrent le contrat pour découvrir la nature et la portée des obligations de chaque partie. Mais est-il obligatoire d’avoir un contrat en bonne et due forme pour des prestations SEO ?

Le droit français n’impose pas de contrat écrit dans tous les cas

A l’inverse de nombreux droits, notamment anglo-saxons, le droit français n’a jamais prévu de principe général et absolu imposant qu’un accord entre deux personnes soit écrit. En effet, depuis le droit Romain, puis à travers les âges jusqu’au code civil qui a codifié les jurisprudences de la Renaissance, le droit applicable dispose qu’un accord entre deux ou plusieurs personnes entre en vigueur à compter de la rencontre des volontés. Le fait qu’il n’y ait jamais eu d’impératif d’écrit pour qu’un accord soit valable a perduré au fil du temps jusqu’à aujourd’hui. D’ailleurs, l’actuel article 1358 du code civil dispose que, « hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen. »

Le mandat de Nicolas Sarkozy a été marqué par un grand projet de révision et de réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui n’avait pas été structurellement et intégralement révisé depuis 1804. En effet, le temps est passé, la révolution industrielle, l’électricité, Internet et l’homme sur la Lune ont eu lieu depuis l’apogée de Napoléon. Il était temps… Les commissions et autres aéropages de brillants professeurs de droit ont débattu pendant longtemps : doit-on imposer un écrit à tout accord ? Est-ce que désormais un contrat doit être écrit pour être valable ?

Le rapport final au Président de la République de l’ordonnance du 10 février 2016, synthèse des années de travaux, a tranché en précisant clairement que la nouvelle rédaction de l’article 1172 consacrait le principe du consensualisme, c’est-à-dire que le contrat nait de la rencontre des volontés, que cette volonté soit formalisée ou non par un écrit.

Pour ce qui concerne les relations entre les commerçants, le principe centenaire a toujours été et est que la preuve est libre et rapportable par tous moyens (désormais, article L.110-3 du code de commerce). En d’autres termes, sauf exceptions, il n’existe aucune obligation de contrat écrit entre commerçants. Ce principe vient notamment de l’importance de pouvoir commercer sans s’embarrasser de formalisme à outrance.

Mais la pratique l’impose en réalité

Si le principe général est qu’un accord existe même en l’absence de contrat écrit, les exceptions sont nombreuses et sont de deux types :

  • Soit la loi impose un écrit à titre de validité de l’accord. A ce titre, de nombreux contrats en B2C imposent l’écrit, comme par exemple les offres et contrats de crédit ;
  • Soit la loi impose un écrit à titre de preuve. Par exemple, tout contrat d’un montant supérieur à 1.500€ doit être constaté par écrit entre non-commerçants. A défaut d’écrit, un créancier pourra rapporter toutes les preuves du monde de sa créance, il sera refoulé par le Tribunal.

Mais, une exception assez inattendue est arrivée en 2016 de la part de l’Union européenne : en effet, le RGPD dispose en son article 28.3 que « le traitement par un sous-traitant est régi par un contrat (…), qui lie le sous-traitant à l'égard du responsable du traitement, définit l'objet et la durée du traitement, la nature et la finalité du traitement, le type de données à caractère personnel et les catégories de personnes concernées, et les obligations et les droits du responsable du traitement. ». En d’autres termes, dès qu’une relation entre un prestataire et son client comprend des données personnelles (c’est-à-dire dans 99% des cas et a fortiori pour des prestations SEO), alors un contrat écrit est demandé par la loi. Et oui, il y a des données personnelles dans toute prestation SEO parce qu’au minimum les noms du prestataire et du client sont utilisés pour communiquer et pour que le prestataire SEO envoie des factures à son client.

En conséquence, en pratique, une prestation de SEO nécessite de nos jours un contrat écrit entre le client et le prestataire.

Que doit comprendre un contrat de prestations SEO ?

L’expérience nous rapporte que de nombreux clients, voire même prestataires, estiment qu’un contrat n’est qu’un formulaire, une formalité sans intérêt. Or, la même expérience noue démontre que ce document est central car, s’il ne sert à rien quand tout se passe bien, il est LE document central, voire unique en cas de problème. C’est vrai que pour nous, Latins Méditerranéens, le pire n’arrive jamais et donc, on n’a absolument pas besoin de prévoir quoique ce soit. C’est pour cela qu’il est fréquent de dépenser des dizaines de milliers d’euros de prestations mais il est hors de question de dépenser quoique ce soit pour écrire un contrat…

Tout prestataire a généralement un contrat-type qui comprend au moins :

  • La nature des prestations : qu’est-ce qui est attendu, comment on le mesure, à quelle périodicité, quel prix est attaché, est-ce que le client peut contrôler, si oui, comment et surtout, quelles sont les sanctions en cas de non-atteinte ;
  • Les garanties : une garantie, c’est le terme pour désigner le fait de réparer une non-conformité contractuelle en travaillant gratuitement, c’est donc un terme à manier avec beaucoup de précaution ;
  • Les interactions avec les tiers et notamment avec les autres prestataires (par exemple, les développeurs et/ou intégrateurs du client) ;
  • Les obligations générales de chaque partie. Il s’agit principalement du devoir de conseil du prestataire et de l’obligation de coopération du client ;
  • Les dispositions propres au calendrier / aux délais d’exécution ;
  • Les prix (ce qui va être facturé) et les tarifs (ce que pourrait être facturé en plus si le client demande des prestations supplémentaires) ;
  • Les dispositions RGPD (et les mentions obligatoires visées à l’article 28.3 du RGPD), habituellement appelées « DPA » (Data Processing Agreement) ;
  • Les dispositions « juridiques » c’est-à-dire les clauses d’attribution de juridiction ou les clauses « diverses » comme la non-cession du contrat.

Au demeurant, le code de commerce impose à tout professionnel d’avoir un contrat type…

Un contrat de SEO peut faire 4 pages comme il peut en faire des dizaines (même si cela n’a aucun intérêt).

Il est important de le faire signer, même par signature électronique. Nous estimons même qu’avoir un contrat prêt et propre est un signe supplémentaire de sérieux de la part d’un prestataire SEO.

Finalement, la principale limite à cet exercice est la mise en cohérence entre les promesses commerciales et la réalité du contrat. En effet, il est fréquent que, dans notre secteur (mais en réalité dans tous les secteurs), les commerciaux promettent des choses, que les clients en croient encore plus (et souvent des choses différentes) et que le contrat ne reflète… ni l’un ni l’autre… Il est donc important de le lire, le négocier avant de le signer. Car, in fine, c’est toujours celui qui a rédigé le contrat qui a raison à la fin…

Alexandre Diehl
Avocat à la cour, cabinet Lawint (https://www.lawint.com/)