Si le calendrier de Google ne bouge pas d'ici là, la version d’Analytics que tout le monde utilise aujourd'hui (et que tout le monde préfère) connaîtra son coucher de soleil le 31 aout 2023 pour être définitivement remplacé par GA4. Cette annonce fait trembler de nombreux éditeurs de site, l’interface de GA4 n’étant pas des plus accessibles et intuitives avec beaucoup de rapports peu utiles. Et comme si les choses n’étaient pas déjà assez compliquées, la législation européenne s’est invitée à la fête.

 Pour aller plus loin :

➜ Découvrez la formation Google Analytics 4 et SEO par Vincent Lahaye

 

La croisade de la France contre Google

Avant de poursuivre la lecture de cet article, il est nécessaire de s’arrêter sur quelques notions juridiques inhérentes à Google Analytics. Deux pages très importantes de la CNIL sont à connaitre avant d’aller plus loin :

En clair, il est possible de continuer à utiliser Google Analytics (toutes versions confondues) avec des solutions techniques avancées comme la proxyfication et l’envoi de donnée server side, tout autre solution rendant Google Analytics illégal.

Google a essayé d’améliorer la gestion de la vie privée, mais cela n’a pas suffi pour le rendre conformes aux directives européennes, car le problème ne dépend plus d’eux mais du transfert de données entre l’Europe et les autres pays. Bref, on est dans une impasse.

De nouvelles discussions politiques sont en cours et on devrait voir plus clair d'ici à l'été 2023. Il y a fort à parier que l’association ayant déjà forcé l’Europe à bouger les lignes de la tolérance des outils Google continue son combat et s’attaque aux nouveaux textes dès leurs sorties.

En plus du côté légal, sachez que des internautes férus de combat pour la vie privée pourraient à tout moment vous dénoncer à la CNIL.

Ces sujets sont assez complexes, et nous allons parler de GA4 dans cet article car il reste le réflexe de nombreux sites qui cherchent une solution performante à bas coût compatible avec leur acquisition de trafic Google Ads.

Nous vous recommandons toutefois d'installer sur votre site un outil de mesure secondaire et nous vous donnerons des pistes à ce sujet tout au long de cet article.

Cette longue mise en garde terminée, passons aux choses sérieuses...

Avant de commencer cet article, une précision s’impose : le vocabulaire entre les outils est différent et cela peut prêter à confusion. Cet article jonglera avec les termes « visites » et « sessions » ainsi que « utilisateurs » et « visiteurs » en essayant de coller au vocabulaire utilisé par l’outil décrit.

Plusieurs thermomètres peuvent indiquer des températures différentes

Une migration analytique implique d’avoir un relevé qui peut être différent pour diverses raisons. Avant de partir sur un nouvel outil, il est bon de faire un double marquage pour bien comprendre les différences que vous allez trouver dans vos rapports.

Afin de s’assurer que vous êtes iso-périmètre, une méthode consiste à extraire les noms d’hôte sur lequel votre trafic est relevé. On oublie parfois les centaines de pages vues cachées dans un sous-domaine créé il y a plusieurs années et qui continuent à faire du trafic.

Voici comment faire sur Google Analytics 3 (Universal) :

Rapport nom d’hôte dans personnalisation > Rapport personnalisés

Exemple de rapport Nom d’hôte Universal Analytics avec le site abondance.com

 

Attention, dans le cas très spécifique de l’AMP, vous risquez d’avoir des problèmes. Aussi étonnant que cela puisse paraitre venant d’un outil Google, GA4 n’est pas nativement compatible avec AMP. Si ce format représente une grosse partie de votre trafic, assurez-vous bien que votre futur outil puisse le suivre (ou préparez vous à supprimer AMP).

Maintenant que vous avez une vue globale de votre périmètre, vous pouvez suivre le processus suivant :

Comparer des pages vues

Le nombre de pages vues journalières doit être le même. Les écarts peuvent s’expliquer dans le conditionnement de votre outil au consentement, son installation qui doit être similaire au précédent.

Parfois des scripts Analytics vont être plus sensibles à certains adblockers que d’autres (ceci est important si votre trafic mobile est grandement dépendant du desktop).

En cas d’écart trop important, il faudra comparer la cardinalité de vos pages afin de trouver les trous de tracking et les combler au mieux.

Pour cela, prendre une période assez longue dans votre outil précédent vous assurera de ne rien oublier.

Un des pièges méconnus qui fait gonfler artificiellement les pages vues de Universal Analytics est de lancer un événement non interactif avant la page vue. Dans la plupart des cas, GA arrivera à recréer la session, mais lorsque vous débrancherez GA, vous verrez plus de sessions que de pages vues. Dans ce cas, le rapport d’événement (Contenu > Événement) vous indiquera quels événements peuvent créer des sessions ou pages vues fantôme.

Comparer des utilisateurs / visiteurs

Ici, vous allez essayer de comparer le nombre de personnes qui ont eu un nouveau cookie sur leur machine. Cet exercice va être très complexe à faire dans les premiers jours, car vous n’avez pas la même base d’utilisateur qui revient sur votre site.

La mesure de « nouveaux utilisateurs » pourra vous aider à trouver quelque chose de semblable entre deux périodes. L’écart entre les outils devra être assez faible.

Astuce GA4 : Déjouer les pièges de la conservation de données

Avant de rentrer dans les rapports, une vérification du bon fonctionnement de l’outil s’impose. Comme dit en introduction, Google a essayé de renforcer la notion de vie privée dans son outil et par défaut toutes les données reliées à l’utilisateur sont conservées 2 mois uniquement. Il va donc falloir rapidement se rendre dans les paramètres de propriété puis mettre à jour la conservation de données sur 14 mois en évitant de réinitialiser les données à chaque activité.

Menu de conservation des données sur Google Analytics 4.

 

Comparer des sessions / visites

Ce point est le plus sensible puisque la notion de « visite » n’est pas la même entre deux outils.

Par défaut, une visite s’entend par une continuité d’interaction jusqu’à atteindre 30 minutes d’inactivité. Mais il y a des pièges que seuls les utilisateurs avancés de Google Analytics connaissent :

  • A 00:00, toute session précédemment commencée est recomptée (une visite à cheval sur deux jours n’existait pas dans Universal Analytics) ;
  • Le changement de source d’un utilisateur redémarre la session. Cela peut être forcé si vos liens internes comportent des utm ;
  • Un événement en non-interaction non suivie d’une page vue peut démarrer une session.

Ainsi, vous aurez beaucoup de mal à comparer les visites si votre trafic est nocturne ou multisource. Ces points sont complétement modifiés d'Universal Analytics à GA4,alors qu’on reste sur le même éditeur.

La durée d’activité peut également rentrer en compte. Assurez-vous bien de la durée d’inactivité pour compter les sessions avant de vous lancer dans des comparaisons hasardeuses.

Si vous prenez des outils Analytics de type abla.io, il faut noter que si le trafic est trop bas, l’outil n’affichera pas les informations de visites par source, estimant que les données pourraient être déduites. Ce genre d’information est à lire sur la page des outils exemptés de la CNIL dans le PDF de paramétrage (un outil n’est pas exempté par défaut mais avec une configuration bien précise).

Mon conseil est de ne pas chercher à comparer cette métrique qui peut susciter bien des surprises et de se concentrer sur les deux précédentes.

Parlons toutefois de la notion d’attribution et de ce que cela peut dire pour votre SEO…

Comment une attribution différente peut ruiner votre budget SEO

La notion d’attribution est assez peu utilisée en SEO. L’image qui est souvent proposée est de dire quel salarié aura sa prime : celui qui conclut la vente ou ceux qui ont aidé à faire venir le client. Si vous êtes d’humeur sportive, remplacer la prime par un ballon et les salariés par un footballeur.

L’attribution peut se faire à deux endroits dans Universal Analytics :

  • La visite est attribuée au dernier canal non direct, avec remise à zéro si changement de source en cours de session ;
  • L’objectif est attribué au dernier canal non direct.

Si on compare avec l’outil AT Internet, l’attribution se fait au premier canal connu. Ainsi, si vous rentrez par une newsletter puis que vous reveniez par une recherche SEO, là où GA comptait 2 visites, AT en comptera une seule.

Matomo aura une configuration similaire à Universal Analytics, sauf si vous avez activé la fonction disablecookies()

D’autres outils de tracking poseront un cookie au niveau du sous-domaine et non au niveau du domaine, gonflant session et utilisateurs chez l’un mais pas chez l’autre.

Un cookie de sous domaine inclura tous les sous-domaine (par exemple www) alors qu’un cookie domaine commencera par un point.

Exemple de cookie GA posé au niveau du domaine abondance.com.

Exemple de cookie Matomo posé au niveau du sous domaine.

 

Tous ces décalages mis bout à bout peuvent faire varier votre répartition de trafic par source. Lors de votre migration, prévoyez bien un temps d’analyse et de compréhension pour voir si cela vous impactera.

Nous avons parlé de visites mais cela prend encore plus d’importance si vous avez des objectifs chiffrés et/ou e-commerce. Vous pouvez voir cela sur Universal Analytics dans Conversions > Entonnoirs multicanaux :

Exemple de conversion multicanal sur Universal Analytics

 

Si le sujet des conversions vous intéresse et que vous parlez anglais, cet article va bien plus loin dans la comparaison GA4/Universal Analytics.

Astuce GA4 : Retrouver sa répartition de trafic par canal

Une difficulté de GA4 est la création d’un double niveau de lecture pour la répartition du trafic :

  • Les rapports sur l’acquisition d’utilisateurs vont remonter la première source d’acquisition d’un utilisateur ;
  • Les rapports sur l’acquisition de trafic vont plutôt découper les différentes sources d’un même utilisateur selon ses sessions. Ce rapport se rapprochera donc plus de celui qui existait dans Universal Analytics.

Vous retrouverez ensuite dans le menu déroulant le découpage par regroupement de canaux, support, source et campagne.

Contrairement à Universal Analytics, la notion de canaux par défaut n’est pas paramétrable pour le moment. Voici comment Google classe votre trafic.

Si vous souhaitez identifier vos campagnes, la notion d’utm fonctionne encore mais les notions d’utm term et content ne sont pas nativement inclus dans ga4 (voir la Documentation).

Liste des dimensions disponibles dans le rapport acquisition de trafic de GA4

 

Et mon taux de rebond ?

Le taux de rebond est une mesure très appréciée des SEO puisqu’avec un bon paramétrage, il peut donner une idée de retour de la visite vers une SERP.

Cette métrique n’était pas prévue au départ dans GA4, remplacée par une mesure de taux d’engagement qui se concentrait sur le trafic à deux pages vues ou plus de 10 secondes sur la page plutôt que le trafic « perdu ».

Il est toujours possible de le rajouter en éditant les rapports ou en posant la question dans le moteur de recherche assez performant de GA4.

Une réponse sur GA4 à une question du moteur de recherche.

 

Le rapport des pages de destination

Ici aussi, GA4 ne nous fait pas de cadeau puisque le rapport de page de destination ne se fait pas nativement dans l’outil. Il va falloir aller dans Bibliothèque pour créer un nouveau rapport (vous pouvez partir d’une modification du rapport pages vues / écran) et appliquer la dimension « page de destination » par défaut pour voir vos pages vues par page de destination. Vous pouvez même ajouter un filtre pour inclure uniquement le canal Organic search.

Si vous êtes perdu, je vous invite à utiliser le menu « Explorer » qui est bien plus intuitif pour faire vos analyses.

Import de la dimension Page de destination dans un format libre du menu Explorer sur GA4.

 

Pas facile tout ça !

En lisant cet article, vous vous dites peut-être que passer d’Universal Analytics à un autre outil est difficile et demande du temps. Vous avez totalement raison ! Cet article pourrait être deux fois plus long pour expliquer toutes les subtilités d’une migration d’outil...

Lors de la préparation de ces lignes, j’ai sollicité plusieurs SEO pour savoir quels étaient leur blocage sur GA4, la plupart m’avouaient ne même pas avoir commencé à regarder l’outil ! Cela montre qu’on est loin de la révolution des produits Google comme ont pu l’être Gmail, Data Studio ou encore Google Maps.

Heureusement, il n’est pas trop tard pour démarrer. L’outil est bien plus stable qu’à ses débuts et la documentation officielle est plutôt bonne et on peut trouver des bonnes ressources :

Si vous souhaitez sortir de Google, prenez en compte toutes les différences cités dans cet article. Vous ne trouverez probablement pas votre bonheur du premier coup mais vous avez la feuille de route pour comparer ce qui doit l’être !

Bonne chance, il vous reste (ne vous reste plus que ?) 10 mois !

Vincent Lahaye, Consultant Webmarketing Expert SEO, Carré d'Astuce.