Le lancement de l'outil ChatGT d'OpenAI fait couler beaucoup d'encre, notamment au sein des sociétés de rédaction web. Cet outil va-t-il remplacer les rédacteurs humains ? Ou est-ce, au contraire, une chance pour ce métier ? Dans cet article, nous avons tenté de répertorier les bons et les mauvais côtés de cette innovation incontournable actuellement...
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Personne n’a pu passer à côté de l’entreprise OpenAI et de son nouveau-né, ChatGPT. Les médias spécialisés, mais aussi une certaine presse plus généraliste (Libération, France Info, BFM, Les Echos, etc.) ne se sont pas contentés de s’emparer du sujet, mais y ont souvent été de leur petite touche personnalisée pour rendre le sujet original. On retrouve par exemple dans un article de Libération en date du 6 décembre 2022 une « conversation» entre le journaliste et l’IA : on y voit l’IA écrire de toute pièce un poème sur le Covid comprenant les mots « fleur », « bâtiment » et « Covid-19 » ou raconter une histoire triste en trois phrases.
Derrière l’aspect sensationnel et sans aucun doute très novateur de ce sujet d’actualité, de nombreuses questions se font sentir quant au bien-fondé de ChatGPT. Que penser concrètement de ChatGPT ? Est-ce une nouvelle roue inventée pour révolutionner l’humanité ou n’est-ce que la cinquième roue du carrosse ? Quelle utilité concrète ? Quels sont les fantasmes à déconstruire sur cet outil ?
Il existe une question sans doute beaucoup plus pertinente que ces applications usuelles, une question aussi simple que les réponses de ChatGPT : pourquoi ? Pourquoi a-t-on créé un modèle de langage capable de répondre à toutes les questions de manière objective ?
Mais aujourd’hui, une autre question propre à nos métiers émerge et, en tant que gérant d’une agence de rédaction, j’ai été confronté à de nombreuses interrogations sur la fin présumée de nos métiers. À quoi bon rédiger des articles de blog, des pages produits, etc. si une IA peut le faire presque aussi bien et à moindre coût ? Est-ce la fin du métier de rédacteur comme nous le connaissons ?
Nous allons essayer de décrypter l’impact à terme de cette IA sur nos métiers.
Préambule : que dit ChatGPT sur la rédaction ?
Qui de mieux que ChatGPT pour répondre en partie à cette question ? Quand on lui pose la question “ChatGPT a-t-il tué la rédaction ?”, voici la réponse de ce dernier :
“Je ne suis pas sûr de comprendre exactement ce que vous voulez savoir. ChatGPT est un modèle de langage de GPT-3, un modèle de langage de grande envergure développé par OpenAI. Il s'agit d'un outil qui peut être utilisé pour générer du texte à partir de données en entrée, mais il n'a pas été conçu pour remplacer la rédaction humaine. En fait, ChatGPT et d'autres modèles de langage peuvent être utilisés pour aider les rédacteurs humains à produire du contenu de qualité plus rapidement et de manière plus efficace. En somme, ChatGPT n'a pas tué la rédaction et ne le fera pas.”
Il y a sans doute quelque chose de glaçant à écouter ChatGPT expliquer si simplement une vérité si incontestable. ChatGPT n’a qu’un seul rôle, celui de donner la réponse la plus objective à une question posée : quand on lui demande ce qu’il pense de tel phénomène, de telle personnalité ou tel fait d’actualité, la réponse est sans appel :
“Je ne peux pas vous donner mon opinion sur X, car je suis un modèle de langage et je n'ai pas de connaissance ou d'opinion personnelle sur X. Je suis simplement ici pour vous aider à trouver des réponses à vos questions et à vous fournir de l'information de manière objective.”
De la manière dont a été conçu ChatGPT, l’idée n’est donc pas de se substituer à l’acte d’écriture, mais plutôt d’aider le rédacteur à être plus efficace. On peut être opposé à cette notion d’efficacité liée à l’écriture, mais il y a sans doute quelque chose de rassurant pour le rédacteur à comprendre cela. ChatGPT, en théorie, n’a pas vocation à remplacer le rédacteur. Cependant, dans les faits, et plus particulièrement dans certains secteurs bien spécifiques (dont le SEO fait partie), il semble qu’aujourd’hui la tendance soit bien de trouver des alternatives à une rédaction 100% humaine.
Le rédacteur web est mort, vive le rédacteur web !
Y a-t-il une épée de Damoclès au-dessus de la tête du rédacteur web ?
Mon opinion sur ce sujet est très simple : ChatGPT est une menace directe pour les faux rédacteurs web et la rédaction web offshore. En fait, ChatGPT est une menace pour les rédacteurs web qui ne sont pas vraiment des rédacteurs à proprement parler, c’est-à-dire des personnes avec un amour du bon mot, de la phrase bien construite et du texte agréable à lire.
L’arrivée de cette IA est une occasion pour le rédacteur de se réinventer et de chercher de nouvelles opportunités de rédaction, laissant le redondant et le texte de mauvaise qualité à la machine.
Avec ChatGPT, c’est la fin de la rédaction low-cost
La qualité du texte produit par ChatGPT est souvent bien meilleure que les textes produits sur des plateformes de rédacteurs low-cost dans des pays où les coûts de production sont nettement inférieurs à la France. Voici les aspects sur lesquels l’IA se distingue :
- un français presque irréprochable (et c’est sans doute l’une des plus grandes qualités de ChatGPT) ;
- un vocabulaire plus riche ;
- un niveau d’information nettement supérieur ;
- un coût moindre.
Il n’y a pas de doutes sur le fait que de nombreux SEO aient déjà franchi le cap sur leurs PBN en passant du texte low-cost au texte généré automatiquement. GPT-3 l’avait déjà démontré : les textes générés automatiquement et retravaillés peuvent faire des miracles sur certains cocons sémantiques.
Cette tendance ne fait que confirmer une tendance de fond qui est d’actualité depuis quelques années et quelques mises à jour Google dans le domaine du SEO : les textes de trop mauvaise qualité n’ont presque plus aucune chance de se positionner aujourd’hui. En apportant une solution moins chère et de meilleure qualité que la rédaction low-cost, ChatGPT ne fait qu’enfoncer le clou d’un cercueil déjà bien réel.
La fin des faux rédacteurs
L’explosion de la demande en contenu web ces dernières années a vu apparaître un très grand nombre de rédacteurs web autoproclamés. Dans un métier où les barrières à l’entrée sont très faibles (dans les faits, il ne suffit finalement que d’un ordinateur et éventuellement d’un logiciel d'optimisation pour se lancer dans le métier) et où les formations à moindre coût se multiplient sur Internet, la tentation de tout quitter pour devenir rédacteur web est forte.
Être « rédacteur web SEO » n’implique aujourd’hui plus un besoin de formation littéraire ou orientée sur l’écriture, sur la recherche de sources, sur le traitement d’une thématique complexe, etc. De très nombreuses formations en ligne n’enseignent que l’aspect SEO de la rédaction web : connaissance sur le balisage HTML, le placement de mots-clés et le maillage interne. Adieu le littéraire, place à l’optimisation SEO ! Le rédacteur web est en général très armé pour dompter l’algorithme et faire des audits de contenu, mais un peu moins pour offrir une plume avec une vraie valeur ajoutée du point de vue de l’écriture.
ChatGPT vient concurrencer directement ces « rédacteurs » : quand on demande à l’IA de rédiger un article de blog sur une thématique simple, ChatGPT est en mesure de produire un texte d’une qualité suffisante. Si ses phrases sont peu complexes et utilisent rarement un vocabulaire sophistiqué ou des formulations soutenues, la structure globale de l’article tient souvent la route et fait concurrence à une écriture simple. Ajoutez à cela des recommandations précises en termes de tonalité : il est possible dans un grand nombre de cas d’avoir un texte convenable pour des articles de blog classiques : « Comment réparer un vélo ? », « Comment choisir un bon plombier ? », « Quelle est la recette la charlotte aux fraises ? », etc.
L’article sera d’autant plus pertinent s’il est formulé sous forme de question puisque ChatGPT se veut une entité proposant des « réponses à des questions ».
Mais plus encore, quand on demande à l'algorithme de créer un balisage HTML ou de placer des mots-clés, il s’avère que ce dernier est tout à fait en mesure de comprendre la demande et de l'exécuter : de nombreux SEO créent ainsi des modèles basés sur ChatGPT avec des exigences SEO qui s’intègrent aux exigences de rédaction.
ChatGPT : une bonne nouvelle pour la rédaction ?
Finalement, ChatGPT est une bonne nouvelle pour la rédaction, car il remet l’église au centre du village : tous les besoins de rédaction qui ne demandent pas de talent de rédacteur peuvent être remplacés et c’est sans doute une bonne nouvelle. Balisage HTML, création de balises Title et meta "description", placement éventuel de mots-clés : ces tâches redondantes et souvent peu valorisantes pour un rédacteur qui a l’impression d’écrire pour un algorithme peuvent et doivent être automatisées.
Il faut voir l’arrivée de ChatGPT comme l’avènement de la robotisation dans les chaînes de production dans les usines. La demande grandissante de contenus pas toujours très intéressants, notamment quand il s’agit de rédiger de très nombreux contenus sur des thématiques similaires, des pages produits ou pages catégorie avec très peu de variation ou encore de placer tous les items nécessaires au SEO (balisage, etc.), a fait du métier de rédacteur web un métier très répétitif. Avec l’arrivée d’une IA qui ne cesse de s’améliorer, nous sommes face à une vraie opportunité de nous concentrer sur les rédactions à très forte valeur ajoutée. Et ce qu’aime le vrai rédacteur, ce n’est pas placer des mots-clés, c’est rédiger !
Voici un exemple des typologies de contenu qu’une IA ne peut pas réellement rédiger :
- Tous les sujets orientés branding, image de marque avec une identité forte et unique ;
- Les pages de copywriting pour lesquelles le besoin de slogans et d’un message fort et différenciant est nécessaire ;
- Les pages qui demandent une expertise très forte sur un sujet donné (juridique, institutionnel, technique, etc.) ;
- Les articles de fond : journalistiques, recherche, etc.
- Les articles qui demandent un angle particulier et une sélection de l’information particulière (blog pour mamans, blog santé, etc.) ;
- Les avis et les comparatifs : ChatGPT ne peut donner un avis sur un produit, c’est pourquoi sa contribution peut s’avérer limitée quand il s’agit de proposer un contenu de type comparatif.
Google va-t-il pénaliser le contenu ChatGPT ?
Dans le domaine du SEO, il existe aujourd’hui clairement une tendance à la génération automatique de contenu de masse. Comme nous avons connu le keyword stuffing ou le spam de liens, les abus peuvent rapidement devenir légion.
L’arrivée de la mise à jour Helpful Content en août 2022 montre une volonté de la firme de Mountain View de s’attaquer à ce problème. Sur le blog Google Search Central, un article paru le 18 août 2022 montre le bien-fondé de cette mise à jour :
“Si vous répondez oui à une partie ou à la totalité des questions ci-dessous, il y a de grandes chances que vous deviez réévaluer la façon dont vous créez du contenu sur votre site : [...]
- Avez-vous recours à un haut niveau d'automatisation pour générer du contenu sur de nombreux sujets ?”
Comme toujours en SEO, il y a ce que Google dit et ce que Google fait : le contenu généré automatiquement, non relu, non modifié et posté ainsi sur des centaines et des centaines de pages sera, aujourd’hui ou demain, pénalisé.
Il y va de la survie du moteur de recherche qui se doit d’afficher les résultats les plus pertinents aux utilisateurs. Encore une fois, si nul n’est devin, il y a fort à parier que les contenus ChatGPT ne suffiront pas et auront besoin d’être retravaillés un minimum : l’avenir nous dira s’ils réussissent sur le long terme à se positionner devant des contenus écrits par des humains. Comme toujours avec Google, il faudra sans doute utiliser ces techniques avec parcimonie pour paraître « naturel » et jongler entre l’humain pour les contenus à forte valeur ajoutée et l’IA pour les autres.
Les plus grands risques liés à ChatGPT
Pour terminer, il existe, concernant ChatGPT et ses prochaines mises à jour, de réelles interrogations à avoir sur certaines zones d’ombre, en voici deux qui sont particulièrement inquiétantes.
La banalisation du contenu moyen
ChatGPT n’est pas un grand poète. Quand on demande à l’IA de créer un poème ou un texte complexe, on retrouve souvent les mêmes écueils : un vocabulaire pauvre, une écriture qui ne prend pas de risque, des articles qui disent beaucoup, mais dont le style ne sort jamais réellement du lot. Bienvenue dans un monde où l’écriture devient très lisse ! Si le Web avait déjà amorcé un premier mouvement en valorisant des articles parfois très pauvres, mais bien optimisés, ChatGPT va plus loin en proposant du contenu moyen en masse.
C’est un risque très important de voir le nombre de contenus publiés s’appauvrir. Qui a réellement envie de trouver des textes qui se ressemblent tous et ont en commun une absence de style notoire ? Est-ce réellement ce que nous voulons ?
La responsabilité
Lors de différents tests sur ChatGPT, il nous est arrivé de constater des imprécisions et parfois des vraies erreurs. En voici un exemple frappant : nous lui avons demandé le résumé d’un livre peu connu d’un auteur connu. Plutôt que de ne pas répondre, l’IA nous a proposé un résumé ne correspondant simplement pas à la réalité du livre.
Si cela peut paraître anecdotique et si nous n’en sommes finalement qu’aux prémices de ce type d’outil, il faudra un jour ou l’autre se poser la question de la responsabilité : qui sera responsable en cas d’erreur de l’IA sur des contenus sensibles (un tuto pour poser un extincteur, un article sur les risques d’incendie, un article de type médical, etc.) ?
Cette problématique, très proche des accidents liés à la Google Car, sera sans doute au cœur de l’actualité des prochaines années.
L’utilisation de l’IA dans l’écriture n’en est qu’à ses débuts, mais soulève déjà de très nombreuses questions. Les questions d’ordre juridique, moral et esthétique doivent être approfondies pour donner un cadre à ce qui pourrait devenir le début de l’ère du contenu de masse.
Tristan de la Chevasnerie, Fondateur de l'agence Pierrot (https://www.agencepierrot.fr/)